^, ,.^.. IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) // .^ <^ V] <^ / 1.0 l.l 11.25 ■10 JjKi |22 1.4 Photographie Sciences Corporation ,\ •s? \ :\ - > C^ 23 WEST MAIN STREET WEBSTER, N.Y. 145S0 (716) S73-4S03 <" ^ r CIHM/ICMH Microfiche Séries. CIHIVI/ICMH Collection de microfiches. Canadian Institute for Historical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques Technicai and Bibliographie Notes/Notes tecliniques et bibliographiques The Institute has attempted to obtain the best original copy available for filmlng. Features of this copy which may be bibliographically unique, which may alter any of the images in the reproduction, or which may significantly change the usuel method of filming, are checked below. D D 0 D D D Coloured covers/ Couverture de couleur I I Covers damaged/ Couverture endommagée Covers restored and/or laminated/ Couverture restaurée et/ou pelliculée I I Cover title missing/ Le titre de couverture manque I I Coloured maps/ Cartes géographiques en couleur □ Coloured ink (i.e. other than blue or black)/ Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire) I I Coloured plates and/or illustrations/ Planches et/ou illustrations en couleur Sound with other matériel/ Relié avec d'autres documents Tight binding may cause shadows or distortion along interior margin/ La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la distortion le long de la marge intérieure Blank leaves added durlng restoration may appear within the text. Whenever possible, thèse hâve been omitted from filming/ Il se peut que certaines pages blanches ajoutées lors d'une restauration apparaissent dans le texte, mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont pas été filmées. Additional commente:/ Commentaires supplémentaires: L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails de cot exemplaire qui sont peut-être uniques du point de vue bibliographique, qui peuvent modifier une image reproduite, ou qui peuvent exiger une modification dans la méthode normale de filmage sont indiqués ci-dessous. I I Coloured pages/ D Pages de couleur Pages damaged/ Pages endommagées The to tï □ Pages restored and/or laminated/ Pages restaurées et/ou pelliculées 0 Pages discoloured. stained or foxed/ Pages décolorées, tachetées ou piquées □ Pages detached/ Pages détachées Showthrough/ Transparence Quality of prir Qualité inégale de l'impression includes supplementary materif Comprend du matériel supplémentaire Only édition available/ Seule édition disponible The posi of t> filmi Orig begi the sion othe first sion orill r~] Showthrough/ I I Quality of print varies/ I I includes supplementary matériel/ I — I Only édition available/ The shall TINl whi( Map diffe entir begii right requ meth Pages wholly or partially obscured by errata slips, tissues, etc., hâve been refilmed to ensure the best possible image/ Les pages totalement ou partiellement obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure, etc., ont été filmées à nouveau de façon à obtenir la meilleure image possible. This item is filmed at the réduction ratio checked below/ Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous. 10X 14X 18X 22X 26X 30X V 12X 16X 20X 24X 28X 32X lire détails ues du : modifier ger une filmage The copy filmed hère has been reproduced thanics to the generosity of : La Bibliothèque de la Ville de Montréal The images appearing hère are the best quality possible considering the condition and legibility of the original copy and in keeping with the filming contract spécifications. L'exemplaire filmé fut reproduit grflce à la générosité de: La Bibliothèque de la Ville de Montréal Les images suivantes ont été reproduites avec le plus grand soin, compte tenu de la condition et de la netteté de l'exemplaire filmé, et en conformité avec les conditions du contrat de filmage. ées Original copies in printed paper covers are filmed beginning with the front cover and ending on the last page with a printed or illustrated impres- sion, or the back cover when appropriate. AH other original copies are filmed beginning on the first page with a printed or illustrated impres- sion, and ending on the last page with a printed or illustrated impression. The last recorded frame on each microfiche shall contain the symbol — ^ (meaning "CON- TINUED "). or the symbol V (meaning "END"), whichever applies. Les exemplaires originaux dont la couverture en papier est imprimée sont filmés en commençant par le premier plat et en terminant soit par la dernière page qui comporte une empreinte d'impression ou d'illustration, soit par le second plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires originaux sont filmés en commençant par la première page qui comporte une empreinte d'impression ou d'illustration et en terminant par la dernière page qui comporte une telle empreinte. Un des symboles suivants apparaîtra sur la dernière image de chaque microfiche, selon le cas: le symbole — »- signifie "A SUIVRE", le symbole V signifie "FIN". re Maps, plates, charts, etc., may be filmed at différent réduction ratios. Those too large to be entirely included in one exposure are filmed beginning in the upper left hand corner, left to right and top to bottom, as many frames as required. The following diagrams illustrate the method: Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être filmés à des taux de réduction différents. Lorsque le document est trop grand pour être reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite, et de haut en bas, en prenant le nombre d'images nécessaire. Les diagrammes suivants illustrent la méthode. y errata id to nt ie pelure, çon à JJ 1 2 3 1 2 3 4 5 6 wlftft^m EN CANADA Par le R, P. EMMANUEL CRESPEL, recoleti %v SON NAUFRAGE SUR L'ISLE D»ANTICOSTIE EN i73«- \ JMPRIM&' A LA NOUVELLE IMPRIMERlBi V ' 1808. f . K i I VOYAGES ET naufragp: DU R. P. C R E S P E L. V PKEMIKRE LETTRE, De Pauerbokn, îe 10 Janvier, 1742. Mon très cher frère, Il y avait fi longtent» que vous me té- moigniez avoir eiivie d'ipprendre le dctail des voyages qtie j'ai faits en Canad i, que, croyant vous donner lien dt-' foupçorinncr ino:i amitié ii je coitiniLiis à me rciuler à vos délirs, j'ai clKirgé un de mei ficrrs de V0U.1 rcmcure une relation de to.u ce qu. m'tft arrivé. Vous inc marquez l'avoir reçue, et vous vous plaignez en même tcms qu'elle i fl t'op luccincte, et que vous feriez bien aiie d^' l'avoir plus (léiaillée. Je vous aime trop'.>our ne pas tne f .ire un plailirde vous contenter. Mais je parta- gérai ma relation en plufieurs lettres; une icule ferait tiop lotiguc, et vous ennuyc- rait (ans doute. L'cfptit ne voie paa tou- jours comme le coc.ir. Je vous devieu- diais peut être à tliar'.'e, fi je vous par- lai» iiop long tems d'anire tliole que de notre amitié, Ne vous attendez pas à voir tette relation foutcnue par l'élévation du flyle, la force des cXpiclLon^ ei la v.iriéié des imajj;es : les grâces de l'efpiit ne me font pas naturelles. D'ai' leurs elles ne conviennent guèrcs qi'aiix fictions. La vérité n'a pas befuin d'ornemens poai é- tre goûtée de ceux qui l'aiaiciit fiiucrc- ment :oii a même de la peine a la rcLon- naitre quand elle eft offerte fous ce^ traits dont un a Coutum'.' de parer le taux puui lui donner quelque rcficmblance a»ec elle. Vous devez vous fouvenir que f ir la fin ds l'année 1723 j'ciais encore i H'iiê nés en Haynaut^ Je refus alors de met fupérieurs la t'crmiflîon de p.ifler dins le nouveau inonde, il y avait déjà longtfjnis que je lafollicitaii et c'aurait été me moc tifier beaucoup que de me la refuier. Je partis dune le ij Janvier de l'année 1724. jepaflaipar Cambrai oùj'cuslc plaiiir de vous embraflVr, et loifque je fus arrivé i Pa'is, je pris tine obédience du R. P. Julien GtieJron Provincial d* St. Ocnis, de qui dé[)envlent les niiflions de la nouvelle France. Il lerait iiIFez inutile de vous par- 1er de /*jn"s ; vous le contioiffez mieux que moi, et vous (avez par expéiience qu'il mérite de toute façon d'étie la pre- mièic ville du m')nde : j'en partis le t May pour me rettdre à La rocheUe où j'ar- rivai le I 8 du même mois. Je n'y fis pas un long lejour, car après m'êue pourvu de tout ce qui m'était nécelTaiie pour la traverfe, je m'embaïqiai fur le vaiffeau de Roy le Chameau commandé par Mri. Df Tilly Se Merchain Lieuietiant de vaif- l'eaii le24 J'iille', lejour auquel nous app>« raillâmes fut marqué par la mort de Mr, Robvt qui allait être Intendant en Canida. Cet lit un tort galant homme, et qui pa. laiffiit avoir toates les qualités nécelFaires pour iem))l;r dignement le Poftc qui lut était confié. Après deux mois et demi d'une navigation allez heurcufe nous ar« rivtmcs devaiit Québec ]^y teiUï juCqu'en 17*26, et n'y remarquai rien de plus par- ticulier que ce qu'en difent les voyageurs et qtie vous pouvez voir dans leurs rclati* 0.1s. Le 17 Murs de Pannée fuivaate, Monleigiieui La croix de St. Valirr Evê- qiie de cJite ville, me cuntera la Prétrife et me donua, peu de tems aptes, une luillioo u i cuie appelléc Sor^l, et fiiuée au Sud \\x fLuve St. Laurent enrre les villes des Trois Rj'v'ières et de Monirijl. Oa iiu' tirade ma cuie oCi j'avais deji demeuré deux ans, pour me taire Aumôn:erd'un p uti de 420 Français que Mr. Le MarqoU De fifâ^Aj/vio/savait jo>ntà &01 90Q Sau- vages de toutes fortes de nations : il y avait funotit des Iroquoitt des Hurons^ des Nipiftttgi et de» Outaouai\ aux quels Mr. Jeztt ISêtre, et le Père de U Bretoniiu Jefaite, fcrvaieat d'AumoQicrs. Cet trou- pes commandées par N^r. De Lignerie, avaient cominilliun d'aller détruire une I nf'tion apf elle IpS RfnnrJi lîonf la princi- pale habiiation N pilfirj^s. Son cours cft de 30 liciie? et (e trouve couple cl'.- faulis et de P';it.'<;fs rotnme celle des Outaouais. De (r*te livit'ie t'.ous eiitiames dans le Lac dent Kl l.iigeur tft d'environ 8 lieues ; et de ce lac la Rivière dci Fra'fais nous con- dinrt bien vite dans le lac Huron oij elle le jcilc a( 'cs avcijr piiicotiru plus de 30 ■ I eiKsavtc beaucoup de rapidité. Comme jl ii'ffl pas ptlTibie que beaucoup de jcr- fiWiPO aillent (iiHinl le lar cl's petites ri- v;i'- !>, on éii.it convenu que cfiix qui pallcr.iicnc les premiers îitterdraient les autre» à l'm'ice du Lhc Hiiron dans un CMiri it nu. unie La Piai'ie ci qui efl en fIFjt une lu\ belle piaiiic. C\-^Hjque i'divu polir la piemicif fois dfs Sc-rpcn'i à f<>iincttts (^oni la inorfuie tft mortelle, ho Icjuc j'aurai le plaiOr de voui voir, je vou- parlerai plus particulèienieut de ces ai.iinaux II liffit de vous dire yiour le préft nt qu'aucun drs nôtres n'en fut in- cuirniO('é. Le 26 Juillet nous fumt-s l(n rcuniî. Je Ctlt^br.ii la Medc que j'a» v.,is (iUî'eré julqu'a ce lems, et le lende- ni.tin n us partîmes pour MuhiUimachinac i; >i rd un yoftc fiiué entre les Lacs Huron CI Mikii^an ; quoique nous enflions 100 licucs à laiie, lèvent nous t'nt fi favora- ble q;ie nous anivames en moins de 6 jours. On y rcfla quelque temsjourta- cinincderte qui avait été e::douimcgé d,ii:.5 les portages 'et dans les faults. j'y b-ir.s deux drapeaux et j'y enterrai quel ques lol'iats que la fatigue ou la maladie nous avaient enlevés. Le to Aoiu nous ])U\ù\i\ti, àc Afithii/i/iiakinar et nou.- allâ- mes dans le Lac Michigan; le vent qui nous y retint deux jouti, di^nna le teuisà ros Sauvages d'aller à la challe, lis en ap- l'ortèicnt lie l'Orignal et du Caribou, et fiuent^aflLz honi.ête» ptjur nous en offrir une partie, nous finies ci' l'ublcuii'é et anivames à mi- nuit à l'entré de la nvieic des Renarrii ou ell Laii louc tort. Aulliiôt que nous y fu iic>. Ml, De Z.jg/c convicn- dc l'Amcri- Rcs leur nié- e notre pair. iViyant point cli.ifle nous ' qucdti lard, lignai et de le nous coin, otre iioiiiri- niLine niois jufqii'au dé— I pieiiaiit la > de vent qui rs canots qui pour Ce met» dans ce choc ins les antres e plus grand échap(.)é au traverlames nvitfr les ha- rrc defcenie. fuient entic- :â camper le iv.èie nom- mes eniièrcnt :nt pluliciirs jibiereit fort dfi en fiiucs ;)ques jours, aile jufqu'aii tiit ;iu pufle irprendrt* nos c! ez le:> Sa- e ed aiipiès (is iDÎines en vaincs a mi- s Renariis ou que MOUS y u\a quelques lavoir s'il y )s le vilhi^s u'il devait y le côté tous lient uc r'(an- lioii, Cl or. pes y eiitiâr. jt piifcspuiir nemis en cu« lauvcicni a à iV'yf'ndon dc'qijtre dont 0!i fit préfent a nos ?aiiv.ii;cs ; Ici quels après s'en éire bi.il divcnii, les tuèrent à coups de fl^'« chc. I • fus avec peine témoin de cet horrible rpeft-tcle, vx \e, ne jiouvjis accorder av^c la tHÇo 1 dont DOS S iiivagci m'ava.cnt parîl jenlrr quelques joui s aup;irav,int, le plui- fir qu'ils [irmaient à faire fouHVirces mal- hcurfux f n les «taifanf pafTer par l'horreur de trente inoits a\ ant de leur ôter la vie ; j'aurais bien voulu leur demander s'ils u'ap- percevMcnt pas comme nui cette oppofiii- on de (entimens, et leur repréltmcr ce que je voïais de condamnable dans leur proc'Jd', mais ceux des nôtres qui pou- vaient me Icrvir d'interprètes étaient de l'autre côiP de la rivic.'C, et je fus obligé de temettrr à imc autre fois à fatisfaire m 1 curioiiié. npfè>ce petit coup de main nous mon- ta ncs ta Rivière des Renauis qui t-d toute pleine de Ripides, et dont le cours eft d'eiiviioii trcuie cinq à quarante lieues. Le vingt quatre Aouit, nous arrivâmes au village des Puaits, bien difpofés à dé- truire ce qnc nous y tiouvcrions d'Habitans, nuis leur tuite avait prévciui notre arrivée, et nous ne pûmes que biûler leurs caba- nes et ravager leur bled d'Inde qui leur fei t de nourriture piiiicipale. Nous tiaverfamcs endiite /e petit Lacs dts Re.-iar/idu bout du quel nous campa- mes, et le lendemain jour de St. Louis, nouscntiâmes après la Melfe, dans une petite R.vicre qui nous conduiGt dans une efVècc de Maïais iur le bord du quel efl fiiuée la grande habitation de ceux que nous clieicluons. Leurs alliés les Saqta's les avaient fans doute avertis de notic approche; ils ne jugèrent pas à propo» de nou> airendie, et nous ne tiouvâmes dans leur village que quelques femmes que nos Sauvages firent efclaves, et un vieillard qu'ils brûlère.it à petit teu fans paraître avoir aucune répugnance à comir.\:itie une aclion aulfi barbare. Cette cruauté me parut beaucoup plus marquée que celle qu'ils avaient exercé contre les quatre Sauvages que l'on avait prisdansle village des Saquis, Je faifii cette occafion et cette ciiconftance pour latisfaire la curiofité dont je vous parlait il y a un moment. Il y avait un de nos Français qui fçayait la Langue Iroqtioife, je le priai de dire aux Sauvages que j'é- uiaiuipt'sdé les voir faire fou^iir avec tant de pliifir un pareil Tipplice i cg malheureux vieillard, que le droit de la guerre ne s'étendait pas jufqnes là, et qu'il me femblaii qu'une telle barbai ic démen- tait les principes dans les quels ils m'a- vaient parus être à l'é^^ard de tous les liommes. Un Iroquoi» prit la parole, et dit pourjuQifier les camarades ; que quand ils tombaient entre les mains des Renards et des Saquis, ils en recevaient des traite- ments encore plus cruels, et que c'était la couiuine parmi eux de traiter leurs en> nciriis comme ils en feraient traités s'ils étaient vaincus. J'aurais fort louliailé fçavoir la Langue du Sauvage qui avait pailé pour lui mon> ticr moi iiicmc ce qu'il y avait de défe£lu- euxetde condamnable dans fa réponfr, tuais il tallut me contenter de lui faire icpiéfcnier que la nature, et particulicie- iiient la Religion exigeaient que nous ftiffî* ons litimains les uns envers les autres ; que la modération devait nousconduire en tout ; que le pardon et l'oubli des maux que l'on nous fait e(l une vertu dont \a pra* tique nnus eft expiefféinent ordonné pat le Ciel j que je cuiacvais bien qu'ils ne devaient point épargner les Renards et les Saquis, mais qu'ils ne fallait leur ôter la vie que Comme à des Rebelles, et à des ennetuisde l'Etat, et non pas comme à leurs Ennemis partirulicrs ; que leur ven- geance était criminelle; que defcendre à des excès iemblables à ceux dans les quels ils étaient tombés envers les cinq hommes dont ils avaient inhumainement prolongé la vie 'o ir le! taire m s l< Mi(fijilfi- Nous n'y irouvâi>'es pcrfonne, et coriirre noiun'avioni pas oidre d'jllcr plus I )m, nous employâmes quelques jours à ruii.cr entièicmeiu 1» campagne pour A'er à IVri- ncini le moyen d'y fubliflei. Ce pays cil affcïbcau, la terre y cft tcrtile, le gib.cr commun eft (le uèi bon gouf, les nuits y fout fort fioiics, et Icsjuius extiétnfmt.'nt chaud» ; je vous parle; ai dans ni.; Iccunile lettre de mon letour à Monlnal et de ce qui m'eft ariivé juiqu'à mon cmburqncm-nt «ourla France } je veux auparavant rece- vcir de vos nouvelles, ci fçavoiruvous trouvez celle li affez détaillée : vo ic té- ponfe «ne déciileia p(»ur la fuite de ma relation, et je n'oublierai licn pour vous donner de» p.euves de la tendre amitic avec la qi'-ne je fuis Mon cher Frère Voire i^ii aj élion'ie Frère EMMAMJti. Ckkm'ki. Récoîcf. SbXONUK LEllRli MonTitS Cher Frèfc. Rien ne pouvait flatter Uavaiiiage mon amour propre que votre Rcpo;il«. Ma première Lettre, dite- vous, a faiistair plu. fieurs perloimes dMprit aux quelles vous l'avez communiquée, et excité leur cuiio- fité à tel point, qu'elles font d.iis une im- patience extrême de voir la fuiie de mes voyages. Ce défir «font je feus tout l'a. vaiiiagepouiraii me nuiie, h je tardais à le contenter. Les tholcstrip lo g ttms at- tendues perdent de le if piix, et perf..nne ne doit plus que :r;oi ciaiiidtc de lombcr dam cet inconvénient. Al rès l'expédition douje vus ai pailé fi .outcs fois ou peut aiptllci de ce nom nie démarche ablolument inutile, nous réprimes la route de Mor.iréal dont nous étions éloi{;né s d'cuviion quatre cens cin- quante lie ui*s. En palî'ant nous brûlâmes le Fort de la Buye, parce qu'étant trop voifin des Ennemis, il n'aurait pas été une retraite lure aux Français que l'on y aurait lailTés pour le garder. Les Renards ani- més par les ravages que nous avions faiis fur leurs terres, et pcrfu idésque nous ne viendrions pas une féconde fois dans leur Pays dans l'incertitude d'y trouver des Ha- bïaaSf aurait pu obliger nos ueupes àfe renfermer dam le Fort, les y auraient a(U« qiiés et peut-être vaincus Loifqiic nous fûmes à MicItUUmakinac, le cotuinandatit donna carte blanche à tout le monde. \ I nous rcftait encore 300 lieues à taire, et les vivres nous auraient iiiftilli. blein 'nt manqué fi nous n'avions pas fait nos efforts pour arriver prompteiu^-'ut. Les vents nous favorilèrcnt dans le palTage du Lac Huron, mais nous eûmes des (iliiies prefque contiuuellet en remontant la riviè» re des Français, en traverfant le lac Ne- p^JJing et lur la petite rivière de Mataoûin, Ellesceirèieni lorfque nous e^trdme^ dai-.t celle des &u/(2^'/^v(i. Je ne puis vous ex. primer avec quelle vitedc nous dcfccndt- mes cette grande rivièie ; l'imaj^inatioii feule en peut prendre une jufte idée, Com. liie j'étais avec des {^ens que l'expérienc2 avait rendus habiles à fauier les lapides; je ne fus pas des derniers à Montiéal. J'y arrivai le 2S Scpteuible et ii'enfoiiis qu'au Printems pour obéir à l'ordre qui me tut donné de delcendre à Québec, je ne fus pas plutôt arrivé dans cette ville, que noire Ci)mmiHaire medeftina pour le poRe «le Niagara qui efl un nouvel étabîiflenient aveu une torteicfle fituée à l'entrée d'une belle rivière qui porte le même nom, et qui efl formée parla fameufe chute de AVa- fi^ara au lud du Lac Ontario^ et à 6 lieues (Je notre fort. Je repris donc la toute de Montréal, et de là je palfai à Frontenac ou Cutarakiui qui cljt un fort bâu à l'en- tiée du lac Ontario. Quoiqu'il ne foit é- loigné de \joniié.il que de )Lo lieues, nous fumes pourtant quinae jouis à nous y reudie à caulc du grand nonibte de lapides qu'il faut monter. Non» y attend;ine> quelque tems que les venis deviiilfent favoi ables; car on y quitte les cano s ^our prendre un bâti- ment que le Rui a tait conflruire expiés pour le iraniport. Ce bâtiment qui e(l d'environ 80 tonneaux, eft fort bon voilier. On palfe quelquefois ce trajet qui eft de 70 lieues, en mûin> de 36 heures, le lac e(t tiès profond, j'ai jette dans le milieu près de lOobiaiTes de ligne fans pouvoir en trou* ver le fond. Sa largeur peut être d'envi- ron 30 lic'ie-, et fa longueur de 90. Nous mîmes à la voile le vingt deux: Juillet, et nous arrivâmes à notre Pode }e vmgt fept mutin. Je trouvai l'endroi fort agréable, la chafle, et la pêche y produi. fent beancoup, les bois y fcnt de toute beauté et retiiplis fur tout de Noïers, de Chataignieir, de Chêacs| d'Qrmcs, et de 5 S"^ » • niêuie quelque fent favoiablesi car lit prendre un bâti- confiruue expies banment qui efl eftfort bon voilier, trajet qui eft de 70 leures, le lac c(t ans le milieu près ins pouvoir en troui peut être d'envi- [>ucur de 90. le le vingt deux es à notre ?oiic le 3uvai l'end roi foit a pêche y produi. s y fcat de toute out de Noïcrs, de :îj d'Qrmes, eide ér.ibles comme il ne s'en trouve point en France. La Fic'vp' triveiTi bientôt les pl^iifirs que nous ^oiiioni à Ni i^ar.i, rt nous in* commoda julqu'a l'cntr»''c d' l'Auforn.ie ?'ii dillipa le mauvais ;iir. Non paliâ UCi 'Hiver aff'ï tianqiiillenient, je poiirr.iii mOine dircilFo/, aiîtcviblerneni, fi le v.nflVau qui dcv.iii nous appurier nos rafiaichiir*- inens ii'cAt pas été lontr.iint, api es avoir elTjyéune horrible iemiJ<3te Cui le Kac, de relâcher à FfO'ite.:-ac et nci.ou- ciit luii ft.ir U dans la liôcclUiC de ne boire q.ic de 'caiii Comme 'a faifun ttait avancée, il n'ofa rciuctnc à la voile, et nous ne icçjivi'.'s nos pr vilions que le premier j.)Ur de Mai. D-niiis 1,1 St. Mjii'.n, le manque de vin m'uv.iif empêché de célébrei la Mcff.: ; auiîjio- q IC k' b.ltjment fit anivé, je fis fa re la P4 jue à toute la Cr irnifon, et je pat lis |:uur te ûéiroit à li (>illiciiaiiun d'un Religieux de mon Ordre q li y était Mdripniidire. Il y a ff-nt IitiL-i.i]v Niaga- ra à ce no.'lc qui elt fituc à iix lirues de IVn- tr(*c d'nne tort belle Rivière, environ quir^e lit ues endeça d.i tond du Lac Erle, Ce Lac qui peut avoir cent lieues de lonjî et trente de large tft fort plat, et par coniequcnt mauvais quand il vente ; vers le Nord au dclfnsde \.i Grande pointe J'E- corres, il cft bo^ dé de fables fort lianis, defurt^' que C\ l'on était pris de vent dans le» endipits oCiil n'y a point de débarque- ment, ce qui ne fe trouve que toutes les liois lieuea, l'expérience a fait voir qu'il faudrait néccir'irrment périr» J'arrivai au Détroit \e dix-(epliemc jour depuis mon départ ; le Religieux qne j'al- lais vifiier me leçnt d'une manière qui I cara'térifait à merveille le plaifir que nous i fentons ordinairement lorfque nous trou- vons un coin))atrioie dans un pays éloi- , gné ; ajoutez ^ cela que nous étions du même ordre, et que le même moiif nous ; avait éloigne de notre patrie. Je lui étais " donc cher par plus d'un endroit, aufli n'ou- ' blia t il rien pour nie marquer combien il était fenfible k Q}9 vifite. C'était un hoin. me un peu plus 9gé que moi ettièsre- eommeiidable par les fuccès qu'avaient ieû fes travaux ^poftoljiques. Sa maifoo était agréable et commode, c'était pour ' ainlt dite loa ouvrage et le féjour de la j vertu. I II partagent le tems qui n'était pas rem- pli par les devoirs de fa charge cotre l'étu* de et les ocrnpitions de la campagne; U avait quelque.^ livres, et le choix qu'il et} avait r.iii donn.iii une idée de 11 pureté de fes mii'iirs et de l'étendue d.- fes connoif» fine*. La Langue du pays lui était afliec famili(*>rc, et la facilité avec la quelle il la parlait le rendait cher h plufieurs Sau-> va;^e<« qui luicommuniqniient leurs réflé* xions fur touf lotte de iujets, et principa* lcm?nt fur la Religion. L'Affabilité attire d: la co:)fiance, ctpeifonnc n'en méritait plus que ce Religieux. I! avait poulFé U coinpla'fance enveri quelque > llubitans du Ditroit, jufqu'à leur apprendre la Langue Françaife. Parmi ceux la j'en ai vu plufieurs dont le fen» droit, et le jugement folide et profond auraient fait des hommes admirables, même en France, li leur efprit avait éié cultivé par l'étnde. Pendant tout le terni que je rcftii chez ce R'jiigieux, je trou* vais tous lei jours de nouvelle! raifona d'envier un fort pareil au lien. Kn un mat il était heureux à la façon dont lea hommes doivent l'être pgut ae point rou* gir de leur bonheur. Après avoir tait au Dilroit ce qui m'y avat attiré, je repris le chemin de Sia^a» ra oCije leflai encore deuj^ ans; j'appris pendant ce t ms alTex de la Langue dec Iroquoii et de;; Outanûact pour m'eatretea nira/ec eux. Cette étude me procura d'abord le plaifir de lier conveifaiioa avec quelques Sauvages lorfque j'allais me pro« mener aux environs de mon Pofte ; dans la fuite vous verrez qu'elle me fut d'uoe grande utilité, et qu'elle me fauva la vie, Lorfque mes trois ans de réfidencc ^ Niagara furent expirés, on me fit lelever» c'efi la coutume ; et je fus palTcr l'HiVC^ au Couvent de Québec. Ce fut pour moi une grande fatisfadlioa de paffer là cette faifon rigourçufe ; fi l'oo n'y a point de fu perflus, du moros u'y manque t-on pas du iiécelfaire, et, ce qui n'cft pas Je plus petit agrément, on y re- çoit des nouvelles de la patrie, et on y trouve de gens avec qui l'on peut «'eo en- tretenir. L' '\umonier du Fort Frontenac 00 Ca* taraktiiiy tomba malade au commence- ment du Piintems, et notre Commifbir* me dsftiua pour aller occuper fa place. Je VOUS ai déjà parlé de la fituation dectt Pofte ; on y vit ag.éaélcinent, et le gibier fe trouve en abondance dans les Mar«tf|^ dont Frontenac cft enviioQné| 1i! }. ten'yrcflai que dfiiit ans ; on nie np> pcfla à Monirt'jl, ri oufiqnc leim api ci on m'envoya i fa Pointe df fa Cftevtfure dans te Lac Chamùffain» Il ne fera paa fans doute inutile de vous apprrndre pour- ^uoi cette Pointe porte le i\on\ée CAevr- ^hre : I.orfque dam leurs courfci les SaiN VMges tuent quelqii*iii)« ils ont la cuiitume de luienlcver U chcveluje qu'ils apportent au bout d'une perche pour prouver qii'ili ont défait leur tnncnii. Cette cért^mume, bu fi vous roulet cette coutume comnien< ça fur cette Pointe, aptes une efpéce de tombât ou beaucoup de Sauvugei furent lAépouiUés de leur chevelure t^ui donna le fiom au Lieu où fe livra la bataille. Le Lac Champeluin prut avoir cinquante einq lieues de long ; il eft'iemé de plu* fieurs ifles très agréables, et fou eau qui cft tris bonne le rend extrêmement poilTo. lieux. Le Fort que nous avoni dans cet endroit pune le nom de Si, Fiidéric ; fa fltuaiion efl avantageufr, car il eli liiii fur une pointe élevée, et diilante d'cnviion 4fuinK lieues du fond du h^c vers le .Nord} iHertdealef k la Colome de ce côté là, c*e(l I dire du cAié des Anglais qui n'en fcnt éloignés que de vingt ou trente lieuei. J'y arrivai ic dix fept Novembre 1735. La f«i(on qui commençait à être rigoureu* f» n\Uliipl»a les fatigues de- nçue route ; e'eft une des plus pénibles que j'aie faite ànn% le Canada, fi tuutes fois j'en excepte 11)011 iiaur^sge j vous fcifz le ukjître d'en juger. Le jour de mon départ de Cbamify pofte éloigné de St. Frédfnt dVuvirun quaianic lieues, Hous fumes obligés de coucher de- liur6, e^ pf'ndani la nuit il nous tomba près 4'un pied de neige, L'Hiver cuminua com- ^ il avait commencé, et qut^ique nous fuflions logés, nous ne ibutfiîmei pas moins l|t^ il tioits aviunsété en pleine campa» MM Lebitin>ent ou l'on nous avait mis n'était'pas encore achevé, nout n'y étions ^ue mé fumes tous telleuieiu iMCoiumodés des yeux que nous craignions de (>crdre la vue fans ref- leuute. Nous n'étions pas mieux nourris Aue ÏQgéSi iptine trouve-t-on aux envi- IM)d <^ c« fnfu ^ud^uci f erdrixj tt pour y itiaiRCr du chevreuil, il faut aller le clicrchcr iiifqu'ait Lac du St. Sacrtmtiit qui en efl --lui^né de fept ou huit lieucSt On vint achever notre biriinent dèi que la faison put le permettre, mais nous ainiâme^ mieux camper pendant l'été que d'y rcdcr plus longiemi : nous ne fumes pourtant pas plus à notre ai(e, car la fié. vre nous furpi it tous, ci pus un de i.ous ne put Jouir des agrémen* de la ciimpagne. Cet état, je l'avoue, commençait à m'é* tre à charge, !orrqiie, vers le mois d'Aoii(l| je reÇus de mon ptovincial une obédience pniir retourner en Fratice. Le Religieux ^ue notre CummifT-ire envoya pour me relever était de notre Province, et (e nom» mail Pierre Vrrqtiaillé ; ilainva te vingt et un de Septembre 1736 à St. f'tde'iù^ et j'en partis le même jour à quatre uu cinq heures du foir. Le lendemain, nous eûmes un vent favo*ab1e qui nous poulfa jufqirà fa Pointe^ ea-Z^r éloignée de Oa/n^/^ d'cnvitoik huit lieues. Le vingt -trois nous penfâmei périr en fautant le Rapide de Su Théréft ; ce fut là le dernier danger que je cuurius jufqu'4 mon arrivée à (luebecoii. je comptais in'ta* barquer incelfiment pour la Fiance. Voilà, mon cher frère, le ictit abrégé des cour fei que j'ai faites dans une punie de Ij Nouvelle- Fran».t. Ceux «jui ont voyagé dans ce Pays, peuvent voir que je connois le terrain, c'eft à quoi je me (tiia plus particulièrement uttaihé. Les Ac. luliunsde quantîtèi de Voyageurs vous apprendrons mille cliofes que je n'auMis fait que répéter aprèH eux ; eu vous écri. vaut mes voyages, mon delTein a été de ne vous dét'iiller que le Naufrage que j'ai fait en revenant eu France ; les circonftau. ce H qui l'ont accompagné font fout à fait iiuéielfautts : préparez votre c> rt la per Ne tri) Ç\i. que» croy M j'ét lis il faut a) ter le u St. Saermtnt ou hiiii lieues* ! biritnent dèi itrc, mais nous endani l'été que : nous ne fumes aifc, car b fié. is un de TOUS ne la Ciimraf^nc. nmerçiiit à nt'é* le mois d'Aoïiflf i une obédience Le Religieux t>voya pour me ince, cl ic nom» ai riva le «iiif|t \t Ht. Fu'dii ic^ )ui- i quaiic uu •urnes un vent ifqii'à la Pointe' '/^d*tuvitoik huit ifâmei périr eo Théréft ', te fut courius iufqu'4 comptai!) tn'ta* U Fiance, le iccit abréf^c dans une parcie Ceux qui ont iveni voir que je quoi jcmv (tiia ihé« Lt^s Re. uyageurs vous ue je ii'auMis ) en vous écri. elTein a été de ufiage que j'ai es circonftaii. ont (ont à fait tre Cisur à l'at. ftefle ; loui ce i*exciteia Voire oire cjmpani* vous y livrer 1ère, les bous fenfibles aux ne s'aïuuUric frères Poit< , de répruDatioa de l*hup»iite lues femaîoes | celle-ci : çum* icucs de çc^e Ville, voire lettre pourrait bien ne mVtre pi', rrndiie, ei je ne veux pas rifquci de ia perdre. Nt; vou^in)pan<'nlr'^ pas k attendre ma tri>ri<}me, j'ci» éci irai ions lc.i jours qi»el. quCk pagri, cuiiipicz fur ma parole et croy I que j'.' ferai toute ma vie Kl ON CHtR FkHRK Voirt tris a fft lionne Frire K M M A M U K I. C R fc S P F L, Récolet. TROIsIKME LETTRE Moniîèi cher Frcre, Il n'y a pas quinze jours que je vous cnvo>ai ra< f.'Conae Lettre; vous devez voir par ma diligence ii voua écrite la troi* lièmc. que je no veux point vous faire tru^ attendie I ( (uitede ma Rclaiiun. Si j't-i lit nuiirc de mon tenis, mes Lettres 1er lient plus longues et plus tiéqtientes ; niuik il fini piéfôier fun devuii à toute au- tre ciiofe, et je ne puis vous donner que les heures qui ne iont pas remplies par les devoirs indirpcnrable» de mun fetar» Jed.incurai quelque tems à Que'bec pour •lieiidie une occafton de retourner en Fran. ce, \\ s'en prèfenta deux en même lem» : la prrmièie éiait celle du VailCeau de Roi îe Htrot, et dont je ne profitai point ; l'au. lie me tut otiei te ( ar le br. de l'iéuctiie Ca ladien, ilTii de la noble Famille des d'Amour^ : la liailbn qui était entre nous me tît accepter fon otfic avec plailir, et je ne pus meretuferàla prièie qu'il m'a. vaa laite de lui feivir d'Aumonicr. C'c. tait un II es galant homme qu'une expèii^ ence de quaraiite-fix uns avait rendu tics habik dans la navigation ; et McITieurs Pacaud Tréioiicrsde France et Armateurs ' à ta RothcUe n'avaient pas cru pouvoir confier leur Naviie appelle la Renommée en i de meilleurs mains. Ce Bâtiment était neuf, bon voilier, commode, chai{;é de i trois cens tonneaux, et armé de quuioize pièces de Caho:is. X PI u fi urs Mtffieurs demandèrent pour leur lurcté et leur .'igrément à iialTeravec V nous, iie forte que nous étions cinquante» ) quatre hommes fur ce vailTeau. Nous levâmes l'ancre ei mîmes à la vol. le le trois de Novembre avec pltir.euri au. trcs Navires, et mouillâmes tous enfemble au Trou'Sl. Patrùe k trois lieues de Hué- bec. Le lendemain, nous fîmes la traverfe, f*efti dire que nous travei fûmes du Sud ; auhioid/c ûeuve it» Laurent} noui ar- rivûmesle mt'me jour au bottt de rf/tr H*Orle'dnt diftitu de Québec d'environ neuf lieues, et nous jetlâ.nes l'ancre au Caf( Mai.'larJt Le cinq, nous apparaillârtlci pour pafler le Gouffre, mAu it i»oii> tm impoflîbte d'en venir a bout ce jour \i, et nous nous vi« mesroiiiiainisde rctouiiier Ji l'endroit d'où nous étions partis pour éviter d'être en- naines par le courant qui attire de fuft loin à cet endroit. Nous lûmes plus heureux le lendemain, car nous palllnies ce Gouffre fans danger, avec le Si. Veillon qui commandait uo Uriganiin poui la Mar/Zn/^u/, et qui com- me nous n'avait pu le palier la veille. Les Naviies avec les quels nous avions mis à la voile l'avaieiu paflié dès la premi- ère fois, ainfi nous nous tiouvâmes fans compagnie et jeiiâmei l'ancre à la Prairie proche l'I/lc aux Couvres. Le fept, nous cont nuâmes notre route juiqu'ïl'ijle aux Liinres, et delà jufq l'à Malban on il s'éleva un pitit vent de Noid dont notre C.«piiaine, qui en connoillait la malignité furtout dans la Saifon ou noua étions, nous avoua qu'il y avait tout à ciaiiidre. 11 jugea donc à proposde rela. cher pour trouver un mouillage, c'ed à dire un enlroii piopre à nous lervir d'abii contre la Tempête qui nous luenaçait. Pcii de tcins afiic.>>, les Vents nous obligèrent à virer de bord, et le lendemain onze du mois vers huit heures du Coir, ils fe jette» ■ ent au Noid-Noid Eft, au Nurd«hft, à l'Ëft Nord-£lj, à l'iift, enfin jufqu'au Sud* Sud £(l ou ils dominèrent piès de deux jour!., pendant tout ce tems nous louvoi* âmes le long ai Vïjle (PAnticqfti les Ris piis dans nos Huniers ; mais dès que les Vents curent faute au Sud Sud-Ouef^, nous gouvernâmes (ur le Compas au Sud* bfl quart d'Ell, et au Sud-Eft jufqu'au quatorze matin. Cejour-là nous tâvhâ» mes de faire Côte, mais nous échouâmes à un quart de lieue de terre, fur la poiute d'une batture de roches plattes éloignée d'environ huit lieuCbde la poiute méridi* onale de Pl/lt J'Anticofti. Les coups de talon que notre Navire donnait étaient fi fréqucns, que nous crai- gnions à chaque minute de le voir ouvric (ous no» pieds. Il fallait que le teras fut bien mauvais et que les Matelots défefpé. rafleni beaucoup de notre falut, puifqu'aua cun deux ne voulut travailler' à lérrer notie mâiuie et les voiles, quoique U £k* !i i 8 I ilil ligne quMIs caillaient au Bitument pût a. vancer notre perte. L'eau entrait avec tbundance ; Id crainte avait dté la piéfen- ce d'cfptit à plus de la moilié de nus gens; et le déroidre général fçmblait nous au> noncer notre morti Sans notre Cauonier, notre fituation ferait devenue bien plus affieufe ; il courrut lia (oute au biscuit, et quoique l'eau y fut déjà, il e» jeita pourtant une partie en Entre Pont ; il penfa aufli que quelques fiifili, un baril de poudre, et Une caiffe de gtrgoulTes nous deviendiaimt DécelLireCn Cas que nous échappaliionsaiJ danger, c'efl pourquoi il fit tronfpoiter ' iniu cela à'.M les Hauts ; l'a pH-caniion • ne ftit pas inutile, et lans les effets qu'cl < Ir prcdvi '^^ je n'aiirnis pai, mou clicr fièr<", tacoiifb.'a'ion de vous écrire. La Mcrétaft aiiffî forte que le vent, ni l'une oi l'auire ne diminuaient, les vagu*s avaient emporté noue gotivcrnail ; etnousfuiups obligés de couper jiotce mât d'artimon j)Oiit lé jeiter à Bâbord ; Nous mîmes Ciifuitc notre Canot à la Mer, en prenant toutes fois la précuution de le puffer en avant de pear qu'il ne fut pouiïé et brifé contre te Navire ; U vue de la mort, et l'efpérance de la retarder donna du courage i tout le monde, et qcoique nous fuffions furs d*être milheureux dms cette Iflc inhabitée, du moms pendant plufieuri hiois, chacun de nous croyait gagner Beaucoup en s'expofa;)t à tout louifrir jpour fe coiifcrvet à Ja vie, Apiès avoir n\U notre canot à la Mer, nous fufpcnujiines la tlialoupe aux palans, afin d'erobàrqiier plu» aiferaeut toiit te que nous avions, et gagn r plus vîie- le large pour nous garantir de la Mer qui nous aurait pcui-eirc pouiïc coiitre le Vuiflcau, fi nous ne uouà e» étions pas éloignés proniptcinent. Mais c'cft envain que les Boinihes s'uppuyent fur leur prudence j lorfqae Dieu veut appéfantir fa main fur eux, toutèrieurs précautions font inutiles. Nous eiitrâmes dans la chaloupe au nôfaibre de vingt peilonnés, et dans l'in&aat I la boucle du palan de devant manqua ; i jugeî vie notre état : U chaloupe leiia {' furpcnd lé par derrière, el de ceux qui é- ! ' caielit dedans pluftcurs tombèrent dans la I . Mer, d'aiitresrertèient attachés au barres, et quelques un$ par le moyen des coidages ^'ui {l^ndaieiu le long du Navire remontè- |ent dahsteBord. lit ^r^llùas vo^<^i^( ce défaUrc fit ' ■ il r • couper ou fi'cr le palati de derrière, et ta chaloupe étant revenue à fa lonture, je me rejettai ded^n* pour fauver Mr. Levé- 'que, et Dtifrefnois qui étaient prêts d'être noyés. Pendant ce tems la Mor maltraita fi foi t notre chaloupe, que l'eau y entrait de tous calés. Point de gouvernail, puitlt de force, u^i vent affreux, une pluie con. tiniielle, une Mer en fureur, et dans fon reflus ; qn nie, et pour comble de malheur deux vagues qui nous Convrirent nous donnèrent de l'v'au iufqu'au genoux } tine troinéme aurait iiiFdillibleiu^nt fait fondre notre chaloupe fous nos rieds ; nos forces diminuaient à mi luré qu'elles nous deve> naient pics nécelfaim, nous avancions fort peu, et nous craignions avec isifori que notre ciialon^e ne fut pleine d'eau avant que nous puillioos touChcr tcrrC : La pluie nous empêchait de diflinguer iea endroits propres à un débaïqucment, tout ce que nous voyons nous paraiffait fort efcarpé, ou plutôt nous ae voyons que la mort. Je crus qu'il était tems d'exhorter tout le monde à fe mc'îrc p:ir un afle de Con- trition en état de paraître devant Dieu l j'avi's j.ifques là différé de le faire pour ne po'nt augmenter l'épouvante, ou ditni-^ nuer le courage ; mais il n'y avait plus à reculer, et je ne voulais pas avoir à me reprocher de ne m'ètre point acquitté de mon devoir. Chacun fit fa prière, ci après le Con^fitecrje donnai l'Abfolution générale. C'était un fpe^acle bien touchant que tous ces hommes qui travaillaient à ietier l'eau et k ramer dans le tems qu'ils priaienc le Seigneur d'avoir pitié d'eux, et de leu« pardonner les fautes qui pouvaient les rendre indignes de participer à fa Gloire ; enfin ils étaient difpofés à la mort et l'at«« tendaient fans murmurer. Pour moi je recommandai mon ame ï Dieu, je récitai le Miferereï yoix haute, tout le monde le répétait après moi, je ne voyais plusd'ef» pérance, la Chalo>pe éttii prête i couler à fond, et je m'étais déjà couvert la tête de mon manteau pour ne point voie l'iof— tant de notre perte, lorfqu'ua ttJurbillon de vent nous poiifla brufqueinent à terre. Vous pouvez vous imaginer avec quel emptçtf«itfcni nous fertîtnes de U chaiou* • -• » —11- .-T. - T •-• .,|- .9 de derrière, etU « i fa ion t lire, je (Auvet Mr. Lévé- ^laienr prêts d'éere s la Mer maltraita J'ie l'eaii yenfrait gouvernail, point >x, une pluie con- • reur, et dans fort JU efpcrer «jti'nne imes pourtant nos large j une partie I ""US (ervaii de manquait ou nom omble de malheur convrircnt nom l'an gfnoiix ; iiri« eiiifrit fait fondre ieds ; no» forces t'ellcs nous dcve. nous avancions iJAits avec laifon fut pleine d'eau ouchcr terre : La de diftingiier les "iqacment, tout i* paraifTait fort i ae voyons que 9 d'?xhorfer toot un afte de Con. e devant Dieu j de le faire pour vante, ou dimi- n*y avait plus à pas avoir k taà »oint acquitté de » prière, ei après olutiongéftérale. I touchant que ^aillaient à jetier 1» qu'ils priiiienc l'eux. etdeleuf pouvaient Ict er à fa Gloire ; '^ la mort et l»at-« - Pour moi je ? >«eu, je récitai ïut le inonde le oyais plus d*eP- ; prête à couler couvert la tête oint voir l'inf- '•un tourbillon If ment k terre. , ; iiner a»ec quel { pe; mais nous n.e fûmes pac d'abord à l'abri du danf(e> : plulieurs vagues nous couvrirent i différentes reprifcs, quelques une.s nojs abbitirenr, et peu s'en f étions perdus fdn» ceue précaution, comuie vous le verrez dans ma q latiièmtr Lettre, et peut-être ijnéiuefur la fin de celle ci. Notre premier foin fut de remercier Dieu de nous avoir délivrés d'un û grand danger, et eti effet fias un feconrs parti, culier delà Pruvid 'uce, il éiait itnpotiible que nous évitadions la mot. Nous étion ,fur une petite pointe de foble fépa— fée du gro:> de l'Ifle par une Rivièrie nourriture, et que la fa m dut nou^ y(cirer } nous ae peniântesà fjnsfare ce befoin qu'après que nous nous fumes un peu récfiautés. Vers trois heures après midi le Canot .vint à terre, avec &x ho'ttmes feulement ; la Mer éuii G g'oITc, qu'il n'était pas ^ of- iibic que plus de petfonuess'y expor^lfenc. Nous allâmes au deva:r, et priine'> toutes ks précautions néccffairvs pour le tuer à nous fan-'^ l'endommager: c'était notre unique reObuice ; t»ni ce Canot, nouk n'aurions janiais pu aller cheri-her da:is le Navire IcsVivret que le Canonier avait fauves, ni ramener les dix iept hommes qiu étaient encore dans le Burd. Perlbnne n'ofa pourtant entreprendre ^'y allée ce jout U» Nou» paifâmei U nuit bien triOement. Le feu qite notu avions f lit n'itvaji encore pu nous ft'ch-r, et nous n'avions rien qui p'ir nv)iis (ervir de couverture dans une talion li ri^oureufe» Le vent nous 0 iraiffiir augmenter, et quoi* que le Navire fui tort, nruf, et bien lié« nous cioyons avoir lieU de craindre qi'i ne put tenir julqu'au lendemain fans te brif r et que ceux qil' y é aien' ne périff nt rade-- rabieinent. Ver- minuit ks Vents d mi> nuérent, la Mer s'ado'iCif, et dès, la pointe du Jour, voyant le Naviie dans le même état où nous l'avions laifT?, pkifieurs Ma- telots y allèrent dans le Canot, ils y trou- vèrent ious nos gens en bonie fanté, eC qui avaient palTé la nuit beaucoup plus k leur aifeque nous, puifqu'ils avap'nt eu deP quoi boire et miiiger, et qu'ils et tient k couvert. On mit quelques Vivres dam le Canot, nos g>-ns y palTèrent, et on ie> ame- na auptè> d^ nous fort a propos, car la faim commençait à nous preffer cruelte- mpiit. ^uus primes donc ce qtti nous ériît né* cellaire pour un repas, c'eft à dire environ trois Onces de viande pour chacun, un peu de bouillon et quelques légumes que nous y avions mis. Il fallait nous ménager, et ne pas nous expofer à manquer fi tât do Vivres. On envoya une féconde fois Àa Navire pour Ciiiver les outih du Charpen- tier, du gaudton, ce qu{ était nécetiaire pour raco.-nmuder lu Ch loupe, une hache pour couper du bois, et quelques voiles pour cabanner. Toift Èela nous fut d'uti grand feco^irs, et prirréipalement les Voi« les, car il tomba la nuit piès de deux pieds de Neige. Le lendemain feize Novembre pendant que les uns allèrent à l^ord chercher des Vivres, lesautres travaillé. ent à tirer U Chaloupe du fable et parvinrent à la mettrt à iec par le moyen d'une double calliothe. L'état où nous la trouvâmes nous fit voie combien nous avions été pidts de notre perte, et nous ne pouvions comprendre romoieiit eilc avait pu nous amener à tCrro nous employâmes tous nos louis à la remet- tre en état, la v rgue d'artimon qut êtaïc venue à la cftte, nousfervit à lui faire une quille, nous fÎJ'.les l'étaïubot avec un moi.'- ce^u de boi> que nous coupâmes dans !• forêt, l'un fit les deux bordâmes du tonJa avec des planches que l'un alla chercher à bord» enfin, ele tut rétablie auiii bica qu'il nuus était pofTible de le taiie. Je remets » uac autre fgis à veu» écrire h, 'kl I , * I , ; i ' ]\\ Il . S ,' i' 5 10 r- t ; .h : li! I li: la fu'te de mon naufrage, je fera'sbîen aîfc, aval" de coi.iinuer, d'apcicndic de vos lictivellifS, elles ii'intciclient perlon:ie plus que moi qwi fais avec l'amitié la plus vive, M'jii cher ficre, Voi; c aifeétioné frère Emmanuel Crf.spel RccoUet. JDe Padci born, le 13 Février 1742' LETTRE QUATRIEME. Mon très Cher frère, Je viens de recevoir votre ^éyonie ; elle jn'a tait un fen(ible plaifir : j'a furfout été .fcrt touché du lécil quç voys me fai'es de ce qui vous eft ai rivé dans les canjpa^ncs d^liaite ei de Hotigrir, pourauoi ne m'avez» vous pas fôt, «part de ce rict;.il, C'elt la un reproche que je puis vous fane çt qui, fans doute, ne voiis clé; laira ['oint, piiirqii'il fort à vous prouver combien je iuis Itnfible à tout ce qui vonS re<;arde. Je iuis bien aik que le cominencen^eiit de inon naufrage ait fait naiUc dans voue ame les ft'ntiijicns que je vous a\;ais dit qu'il y devait exciter. C'tftune } reuve que je ne me fuis point exagéré Ica maux que j'ai fouflcris et que j'ai vufouflrjr aux autres. Cepcnduir, mon cher irère, ce n'cft là qu'une légère ébauche ; et ce qui me rtfle ) yoiis dir. furpafle, ce que je vous ai dit julqu'a préfcnt, il mérite toute votre at- tention. Pendant le tems que l*on travailla au rétabliifeiucnt de la Chaloupe, nous ne .faisons qu'un repas dans 24 heures. £ii core était-il plus modique que celui dont je vous ai parlé dans ma précèdenie, il était de la prudence d'en agir de la lorti*, noqs ji'avionsque pour deux mois de vivies daris )|e naviiC (c'eft .a provilion ordinaire que yoa fait en pariant de Québec) tout noue bifcuit était perdu, et plus dé la moitié' de nptie fournitu-e avait été ou confumée qu gâtée pendai;t les 1 1 jours que nous aviuns ctéfurmcr. Aii fi avec louic l'eçô oniie poflible, nous n*avions que pour cinq fp- maiues de vivres, (.'e caUuï, ou, fi voqs VOuU z, cette eflexion nous annonçait notre inutidubout de 40Juuts. *"Car, c fii. il ii'y avait pas d'api aienCi. qui- nous pu^îons avant ce tcm^ troi'Vfr l'octafiott de lor.ir de cette- ille déf r de Ctt endroit fom tout à fait hors de portée J'aj percevon esfi^naux ^u'ou ptiunait leur faue : d'ailicuib, ne quelle iclTource pouvdicnuils tious eue? nos proviRons n'étaient que pour fix fe- ntaines tout au plus, et les navires ne de- vaient palfer qu» dans cinq ou fix mois. Je voyais ap;Mochjr le déicfpoir, le courage éiait abbatu, et le froid, la neige, les glaces et les maladies femblaient être réunies pour nous faire fouffrir d'avantage, nous luccomlnuns fous le poids de tant de maux. Le naviredc venait inacceflibic par les glaies qui le îormaicnt autour, le froid nous caufait une iiîfomnie coii'inurlle, nos voiies ne luffifaieut pas a beaucoup près pour nous garantir de la neige qui tomba cette année en ii grande abor.daiice qu'elle cou- vrit la terre à la hauteur de 6 pieds: la fièvre avait déj;i lui pris plusieurs de nos camarades. De pareilles circonllance* ■étaient tiop ta; heufos pour n'y pas luc« comber bientôt ; auffi penfames-iious a prendre un parti. "V'% ' Nous fçivions qu'à Mingari, 0- : ^ft un endroit ûtué à \i grande terre dit Nord, il y avait des Fiançais qui t>ivcrn.tient pour faire la pèche de Loup-M.irin dont ils font des huiles; il était piefcpie for que nous en obtiendrions du fecotirs, mai« la difficulté était de »'y .ret\dre dans une telle faifon ; toutes les jtlivières étaient dcja glacées, la Neiiie _*couvrait la tcrte à la hauteur de tiois aieds, et augmentait toiiN les jours, et la/l3ute était fort Jongoc» eu égard à la failop' et à notre état, car il noub fallait faiie quarante Heues pour gagner la Pointe d'eu Hauti ou du Nord* Oucffdc l'Illè, enfuite defcendrc quelque peu, et travetfcr enfin douze lieues dé haute Mer. Nous étion» réfolus à fartnonter tous ces obftacics ; notre lituation préfcntc ne nous permettait pas d'en craindre iioe. plus artrciife, mais une réflexion -ndus ancra quelque teuis. Il était impoflîble que nous pariinious tous yioat Mingan^ et il fallait qiie la moitié de nos gens reftaf- lent d.ms cet endroit dont nous nous croy- ons trop heiiteuX de pouvoir nouvéloigner, en nous expofant n^cmc au plus cruels dangers. Il n'y avait pourtant point d'autre parti à prendre, il fallait ou fc réfoudre à mou- rir tous en cet cndtoit au bout de fix femaines, ou fe iépàrrr pour quelque tems. Je fis entendre a tout le monde que le moindre retardement nous mettrait dons l'iin^'oflibiliïé de fuivte ce proje% que pendant ces irréfolutioiis le mauvais UA\i augmentait^ et que le peu de vivrtfs que que il avoirl étioiil tai iH néccll gncuJ partiil fccoul fallait Cliapl lumicl WeiIc nus pil teu>li(| poUtitl et le s'ofFii laiijei trait i iecoui gan. j'étais vingt- »'uHi ipi et que patien tait ; : ment à| détour il fa!l partaie de Se t«)mbe d'Inte ons qi ' ceux je pat de ma pas < prenii ii'eft |: fuflen chalo poflib davai celle lu chi ceux leun béné livret entiè qu'il: Clic I dici ,."ï 4 Il t ,'''•1 1.11! U'- I 11 lie |iOur fîx Te- navircs ne de- 011 fix mois, : dé(cfj)oir, le : froid, la neige, emblaieiit être iFrir d'avantage, dids de tant de iccefliblcpar les iitour, le froid •oniiniifUe, nos ucoup près pour uj tomba cette ICC qu'elle coil- ie 6 pieds: la lii(i( UTs de DOS 5 citconftance* ir n'y p;is lue» Mi l'a mes. nous a .■ .. Kk ;■ ; - ■• ^ .^À 'ngan, O- : ia terre du Nord, jiii tiiverniient up-Mjrifi dont il piefijne i'iir 1 (ecoiirs, mais |[\dre dans une vières étaient wait la tcrie à et iiugiiicni'ait ait fort longue, rc état, car il lieues pour ou du Nord^ ndre quelque ze lieues dé rnionter tous pré (en te ne craindre iiiae. efléxion -ncnis it impoflîble ir Mingan^ et s gens rcftaf- s iiotis croy- ouééloigner, plus cruels 'autre pairti Lidre à mou- lout de fix |}ur quelque it le inonde }us mettrait ce proje% Ile mauvais L 4e vivrcfi que nous avfens fe confumnît : jUjoutai que je concevais bien que chacun devait avoir de la répiioniinco à refter où nous étions, mais en même it-nis je irprc ten- tai ijuc cette fé para' ion était abloluilient nccclTaire ; et que j'^ T érais que le Sei- gneur difpoieia'i le cœur des un>à \a\^x partir Icà autr^'s pour aller chercher du fccouis ; cnfiiije fuiis par leur tiire qu'il fall.iii fallu* feciicr les ornemens de la Cliapelic ; que pour attirer fur nous lea lumiùîcs au St. tfpMt j'en célébreiais la Mf lie le vifÉi^t (ix, et que j'élai» fur que nos prière» auraient l'etret que nous en at- terj>iion». Chacun applaudit à ma pro- pofiiiuu i je diî la Melle du St. Efprit, et le même jour vinjit quatre, hommes s'offiireiii à rcfter à condition qu'on leur lailjerait des vivre», et qu'on Kur promet Irait fur l'Evangile de leur envoyer du iecQurs au (liiot qu'on ferait arrivé à Min- Je communiquai a mes camarades que j'étais dans iarérolution de relier avec les vinj^r-quatre hommes qui venaient de »'uH'i ir à dt meure.' au lieu du Nautrage, et que je ta«.herais de les aider à atten Ire patiemment le fecours qu'on leur promet- tait ; mais tout le monde s'oppof i vive^ ment à mon deltiMH, et l'un dit pour rn'en détourner que fçachant la Langue du Pays; il fallait que j'acco vpagnaiîe Ceux qui partaient, aHnqueti Mrs. de Fréneufe uu de Senneville, venaient à mourir ou à tomber malade en chemin, je pus fervir d'Interprète en cas que nous rencontraflt- ons quelt^ues Sauvages dans cette Ifle ; ceux qui leRaient exigèrent furtout que je paiiille ; ils me cunnuiiT.iient inc.ipable de manquer à nia parole, et ils ne doutaient pas qu'a mon ainvée à Mingun mon premier foin ne tut de les Iccourir ; ce n'eft pas que ceux qui devaient partir ne fuffent très dil pôles à leur envoyer une clialouppe le plutôt qu'il leur ferait poflible, mais ils comptaient apparemment davantage fur la loi d'un Prêtre que lur celle d'un lîraple Particulier. Lorfque luchofe fut réfolue j'exhoriai à !a patience ceux que nous laifTions au naufrage ; je leur dis que le moyen d'attirer fur eux les bénédictions du Ciel, c^était de ne pasfc livrer au défefpoir, et de s'abandonner entièrement aux foins de la Providence ; qu'ils devaient s'enttetenir dans un cxer- cilc continuel pour écarter d'eux la iiula- dici et ne point tomber tiaiu le décourage. ment ; qu'il ^tait d'. la prudence qu'il* ména^^caflcnt ce que nous l.'ur laifTion^de vivres, quoique j'efoéralTe leur envoyé» du fecours avant qii'i's fuffjnr '.otifumés» mais qu'il vallait mieux en avoir de refte que de lilquer à en manquer. Après leur avoir donné ces conlcils, ceux qui devaient être du voyage fon};èient à faire leur petit équipage ; et le vingt lept, nous nous dvfpolâuica à partir ; nous embiaiiâ- mes nos compagnons qui nuns fuuhaiieient uu h 'urcux voyage et de noti e côté nous leur téiuoi^^iiâ'.nes combien nous délirions pou- voir bientôt les tirer de peine ; nous liions bien éloignés de pcnfei que nous l-'S em- braOions pour la dernière fui«; cet adieu fut des plus tendre», et les larmes qui l'ac* Gompagnèrcni étaient une efpèce de piéf» ientiment de ce qui devait nous arriver. Treize fe mirent dans le Canot, et vingt fcpt dans la Cfi;ilou}>e ; nous partîmes l'après midi et fimescejour là p'ès de trois lieuc» à la ranre, mais nous ne pûmes loucher terre, ci nous fumes obligés de palfer la nuit iui l'eui où nous ci-iduràmes un froid qu'on i;e peut exprimer. Le lendemain nous ne fîmes peut être pas tant de chemin, mais iiois Couchâmes à terre, et une parue île la nuii, il nous, tomba fur le corps une prodigieule quanti* té de Neige. Le vingt-neuf nous eûmes encore le vent contraire, et nous fumes contraints par la Neige qui continuait de tomber en abondance, d'aller à terre de trèi bonne heure. Le trente, le mauvais tems nous obligea d'arrêter à neuf heures du matin, nous defcendîracs à terre, et fimes bon feu pour cuire des pois dont pluficurs de no» gçnsfe trouvèrent fort incommodés. Le premier de Décembre les vents nous empêchèrent de remettre à l'eau, et comme nos Matelots fe plaignaient de leur foiblef* fe, etdifaicnt qu'ils ne voulaient plus ra- mer, nouj fines cuire un peu de viande que nous mangeâmes après en avoir pris le bouillon : c'était la première fois depuis notre départ que nous nous étions li bien traités: ks autres jours nous ne mandions chacun qu'un peu de Morue féche et crue ou bien de la colle que nous tailionsavcc de la farine et de l'eau, , Le deux au matin, les vents s'étans jet- tes au/«. 7- oaçyZ, nous mimes à la voile et finies allez de chemin. Vers midi, nous nous joigoimes au caaot afin ^e manger *s: !i: 12 ! !i, : . i ^', ' 2i ■ 1 r. , ; ^ • ■ ^'' ' (■ 1 touj enfemblc. Noire joie était e?(tiéme é( voir te bevii tcniscontÎDtier, et les venis idevenir de plus en plus favof:*bl'*^ à notre profite : mais c'eti)* joie ne dtira ((uèrcs et fît place à la cuiifternation la s>lu.» ;s nous inoniller beaucoup. Nous alhimuroes aiiifitot un grard feu afin de montrer au ca- not que nous étions la, mats cette précau. lion tut inutile puifqu'il avuit été briffé. Xorfque nous eûmes mangé un peu de colle, chacun de nuus s'enVt-loppa dans fa couveituie, et paifa la nuit aupiès du . feu, a dix heures du ih>i(in le tems fe cou- vrit, la neige tomba fort abondamment J'ufqu'au lendemain, et comme le feu la iaiiait foiidie, nous nous trouvâmes fi tort incommodé que noiis aimâmes mieux nous fepufer au fioid que dans l'ea.i.' Verb minuit, lesvcntb devinrent G vio- lens que outre chaloupe qui était a une fort petite diitance de tene, ayant chalTé fur (on ancre, vint en côte où elle manqua d'étie biifée, les deux humniesqui étaient dedans s'évciUèrem, et fe mirent a cier de tou'.es leurs foicesi nous y couiuines auifitot le Capitaine et moi. Nous jeiia- nes a terre ce que nous pûmes fauver de notre équipage} les autres lamaflaieDt ce %uc iMus jeitions «t le portécot « une diCi tance qu'ils croyaiem inncceffible «un flots^ mais la mer devint fi furieufe qu'elle aurait tout em^iorté ce que nous venion» de fjii« ver, fi mes dinaïades n'avaient eu foin de iranf; orier ri tiois difTérentes fois ce qu'ils avaient cru êtr« en fui été dés «la première. Cela ne luffifait pas ; il f^lL^î» fonger a tirer notre voiture, et empêcher qu'elle ne fui rmpoitée par les flots. La peine que nouS e^imesa la mettre a fec n'ert: pas conceva- ble, et nous n'en vinme a bout que vers les dix heures du matin. Elle était fort mal traitée et demandait nue réparation co'ifidé ible, nousjrem'in.-s au lendemain a la racouimt-ider, nous fimes du fieu pour fâcher nos hàide> ; enfoite nous mangea- ntes un morceau pour nous i établir delà fatigue que nous avions elTuyée. Dès le matin, le charpentier et ceux qui étaient en état de l'aider, travaillèrent a remettre les chufes en état : uiie partie de nos geni allèreiii a la découverte du canot, mais inu^ tilemcnt, et ce fut envjin que nous réita- mes pltifieurs jours en cet endroit, pour en apprendre des nouvelles. La veille de notre départ nous tuâmes deux rena'ds qui nous aidèrent a manger nos provi'fioifs^ dans une fituation pareille a la notre, il fallait profiter de tout, aulTi la c aime dé mourir de faim nous empêchât elle de laiflei aucune occafion de prolonger notre vi^. Le fept du mois, nous partîmes dès la pointe du jour, avec un petit vent favo- rable qui nous fit faire alToz de chemin; ver» dix heures nous mangeâmes n^s Re- nardb, cinq heures après le teins fe cou* vrit, et le vent àugmentaiit avec la Mer, il fallut chercher un Havire, mais il ti'f en avait pas. Nous fiimv.'s donc obligés de ttnir le Large et de mettre nos voiles au vent pour nous fourenir. La- nuit avançait, une pluie mêlée de gièlc qui furvint tout à-Coup eut biemât ferme le jour, le vent irious pouffait avec une telle véhémence que l'on avait peine i gouverner, et notre chalouppe avait eu trop d'allauts pour être en état de fou- tenir a un pareil tems. U fallut cepen- dant céder aux conjonctures. Au fort du danger nous fumes jette» dans une baye où le vent nous tott. nen- tait encore, et où il n'était pas poilible^de trouver un débarquement ; notre ancie ne pouvait tenir dans aucun endroit, le mau- vais tems augmentait a chaque minute. Cl Mtre chuooppe ayant «lé poull^ Violcm! t)ous cr • heure il Nous Ici Met xha'oup 'peite. ge, que de glac d'auiunt fe qu'elle aurait veiiioii» de faii. aient en (oirt de •s fois ce qu'ils èi 'la premirre. li' fonder a tirer • qu'elle ne fut peine que noutf (l pas conceva* bout que vers Elle était fort nue réparaiion au letidemain ;s du fru pouf nous mangea- s I établir de la iiyée. Dès le ux qui étaient reni a remettre ie de nos geni :anot, mais inu^ ]tie nous relia- f endroit, pou* La veille de ux renards qui )0s provifiot^s, a Ta notre, il fi la c teins fe roii> avec la Mer, mais il n*f donc obligés tre nos voiles tir. La nuit de gièle qui ieniât ferme fait avec une avait peine à ppe avait eu état de fou« fallut cepen* famés jette» lout toc. nen- as pofHblevde lotre ancie ne Il oit, le mau— laaue minute, éié pouiléç i ï i Vio'cmmrni contre q^eltlurs battiires, hoiis crûmes que noui n'avions pas une .heurp à vivre. Nous elTayaines poMrianf, en )eft<«r.t à J<« Met une paiti*? de ce qui ch >r;.'r3!t la ;cha'oupe, de retarder l'inlKi t (ii' noie .•pcite, A pc ne avions r.oii-- fini ccr tiivra- ge, que rous tious trouv.imes fnvlionncs de giace.^ ; cem^ < iicouitaiice udo'blait d'autant plu» i»o(te crainte, que cfs filâtes étaient furicufcment agitées, et quelles Ce brif^ient contre nous ; je nc oui.i vous apprendre où elles nous puuH'cient, iniis je ii'ex;«i;errai po.iiiten vous difant que les divers mouvcnviis qiii nous efforts que nous fifTîoris, nous ne piiines approcher terre : l'eau était trop baffe pour poiier la chalouppe ; il fallut jetier l'ancre, et nous fumes obligés pour «Mer à terre de nous mettre dans l'eau en J)lufisurs endioits jufqu'à la cciiituie, et Jjartout jufqu'à la iarretièie. Noas avions porté avec nous la chaudière, et de la îariue pour faire de lu cOille. Après avoir |)ris quelque nOurriturè, nous fongeâmes ■m féchcr nos habits, afin de partir le lende- tnain. Dans quelques jours je Vous mar- querai la fuite de notre défaftre, et je n'at- tendrai pas votre lépcnlci Je fuis avec .toute l'amitié poiTible, Mon cher frère, ' • ' ' Votre affettionné frère Emmanuel Crespél Récollct, DePaderbon, le 23 Février 1742 LETTRE CINQUIEME. Mon t les cher Frète, tl n'y a pas huit jours ^e je vous écrî** 13 vis ma quatrième Lettre, je ire fouviefls que je vous pi omis Air la fia que jè ne tarde- r.iî'; pisi vou* envoyet latinquicmcje vous tioiis p ifolf Cl je continue ma Relation. I,e tioid atij^menfafi tort pendant la nuit que foute la Baye fut glacée, et notre chsloiipr prife de tous côtés, envain efpé- râiues rotis que quelque coup de Vent la détacherait, lo froid devint plu» violent de jour en joui, les gl ices le fortifièrent, et nous n'eûmes point d'atitre patti à prendic que de mettre à terle le peu de chofcsqiii n'avaient pas été jeltées à la Mer, et d'apjiorier nos vivres auprès de nous* Nous fimes des cabanesque nous couviiiiies de branches de Sapin ; le Capitaine et irci étions alIVz au t'ait de ta manière de les conllruiie, aulli la nôtre fut-elle une des plus couimodcs : Les Matelots élevèrent la leur à cfité de nous ; et nous conflrnisî. mes pour mettre les vivres, un petit en- droit où pérfonne ne pouvait entrer qu'en ptéfence de tou« les autres. C'était une précaution néccffaire, et pour prévenir les foupçons qui auraient pu naître contre ceux qui en auraient eu la direftion, et pour empêcher que quelqu'tm ne confuu.ât ou peu de jours ce qui devait nourrir longtems pliihi-urs pcifonncs. Voici quels étaient les metvbles des appartcmens que nous nous étions conf* truiis : Le pot d^* fer dans le quel on fai» fait chaufifer du goudron nous fervait de cliaiidière ; nous n'avions qu'une feule hach-?, encore manquions nous de pierre propre à l'affiler ; et pour tout préfet vatif contre le froid, nous li'avions que nos ha- bit, et des couvtrtuies à demi biûlées. Un de ces meubles venant à nous manquer, il fallait nécelfairement péi ir. Sans le pot il nous était impoflible de tien faire cuire pour nous iubtlenter, fan& la huche noua- ne pouvions avoir de bois pour tuiiedu' feu, et fans nos couvertures toutes mau* Vaifes qu'elles étaient, il n'y avait pas- moyen de réfifter pendaut la nuit au troid^ exceliif qu'il faifait. ' Cet état eftbien affreux^ me direz-vouSf et l'on n'y peut rien ajouter ; pardonnez moi mon cher frère, car dans quelque temsil vous pdroîtia incroyable, fon bor- reur doit augmenter à chaque ligne, ec j'en ai beaucoup à vous écrire avant que d'arriver au comble de la inifère où ]e me fuis vu réduit. Toute notre reiïource étaif de pouvoir* prolonger nos jours juf^a'àla finduoiMS ' 1> " i l'il'i I ' !"■■ ; if , lis I > I ( I •■ li-' 'H 'I. Il 4; :?'■'■ I M 14 d'Avili, et d'atlrndre que les glacei f I fl nt tondues afin de pouvoii avfc notre ch.ilou|'«" achever notre voyjige ; le hazard ftiul pouvait nous apporter du fecouis djns cft endroit, c'aurait été nous fl.itter qi f dVIpérer qi>*il noiis en vint aucun. l)dnsetie tcijoniturc il était néteffuire d'exuminer mûictiient ce que n'Ub avions de V!vres, et d'tn ri'j^lrr la diftribution de telle ioric, qu'ils puifent durer julqn'à ce Içms, Nous lég'âmes donc notre nouiri- turc de la manière fuivante : le matin nous fiiiGuns bouillir dans de la ncine fon- due deux livres de farine pour uvoir de la colle ou de la bouillie à l'eau ; le foir nous cuifions d? l:i même fuçoncnviron le Hiéme poids de viande ; nous étions dix» fept, et par conféquent chacun de nous avdit cr\viion quatre onces de nouriiUuc par jour, li n'était pas queflion de pain ai d'autre choie. Une fois la femaine feulement nous mangions des poix au lieu d( viande, et quoique nous n'en pridions chacun que plein un cueiliiére à bouche, c'était en vt'riié le meilleur de nos repas. Ce ii'csail pas alTez d'avoir fixé la quantité de la nouiriture que nous devions prendre; il tallait encore reglei qu'elles feraient nos occupations, Nous entrepiîines Léger, Bbflle, et nioi de couper quelque leius qu'il fil, tout le bois néceflaire ; quelques uns fe chargèrent de le poiter ; et d'.iutres s*ofîrirent à ecai te r la Neige, ou plutôt à en diminuer répaifTeur fur la route que Iious prendrions pour aller dans la Forêt. Vous lerez peut-être furpris de ce que je me chargeai de CQuper ie bois, ceté- 3(.crcife ne vous lemble pas fait pour moi, et peut-être croyez vous qu'il eft audeffus de mes forces i vous, avez .r d'urine qui ne nous donnait point uu moment de relâche. Je laifle aux Médecins à examiner d'oîi ces deux incom* mudiiés 'pouvaient provenir ; quand nous en aurions Içu la caufe, cette cunnoifTance ne nous aurait fervi de rien; il eft alfez inutile de découvrir la fource d'un mal quand on n'e(l pas à portée d'y trouver aucun remède. Le vingt-quatre Décembre, nous fîmes fécher les ornetnens de la chapelle, nous avions encore un peu de vin, je le fis dégé. 1er, et le jour de Noël, je célébrai la Méf- ie ; lorfqu'el.le fut finie, je prononçai un petudifcours pour exhorter nos gens a la patience. C'était une efpèce de paralelle de ce qu'avait fouiFert le Sauveur du Mon* de, avec ce que nous foufifrions ; et je Bais en leur recommandant d'offrir leurs peines au Seigneur, et en les afiurant que cette offrande était un tître pour en obtenir 1». finet la récompenfe. On exprime beau-' coup mieu;^ le^ maux que l'on fent que ceux qu'on voit fentir aux autres. Mon diïcours eut l'ettet que j'en aitendaiSi chacun reprit coarage, et fe réfigna à fou non dan{ I b1^ fur dah et non brif Cm I' >ar r; pe te. a 1 15 t rhargés ae i% de hache» ;ivait donnés» itivement ab* bionî chtcun jcontinnyoni ; (OU (les réiié- irgé de weige, ns fn pièces, à la cabiinnc pour lors noi r le itftt, oa pour toute la métier ta bien tuent le taire, exticme, il y iié};lij;ions de allidultè ; elle ir> car à foiCC é lions obligés oin, et cuiWé- routc plus Ion* lait pluii grande ivail était plus )iiis jettées.in» icm de Ut, la I nous n'avions la fumée et la IX des doul«rur» ible de maux kl le, etnoiii ic nous donnait Je laiffe aux es deux incom» [r ; qiiano nous ite cornoiflance jcni il eft affez lirce d*uii mal léc d'y trouver |re, nous finies phapelle, nous je le tîsdégé» îlébrai la Mef. prononçai un nos gens a la ce de paralelle aveur du Mon* W$ ; et je finis Ir leurs peines |rant que cette en obtenir la ipritne beau- l*on {ent que outres. Mon Icn attendais, lie réfiigna à fotiflTrir jurqu*àce qti*il plairait à Dieu de nous Hppellcr à lui, ou de nous iirtr du danger. Lr premier Janvier une pluye confidcr»- ble! qui tomba foui le jour, et dont il noiis fut impcfliblede nous oir s'enipart-r dt tout le monde; les uns vou- laient mander tout d'un coup ce que non* avions de noutritiire et aller enfuite mourir au pied d'un arbre ; les .lUtre» ne voulaient plus travailler, et difaieni pour jnfhfier Jeut's refus q't'il ét^it inutile de prolonger leus peines, puilqu'.l n'y av..it plusd'ap- pufiice qu'ils pufTcnt éviter de mouriré Quelle fituation, mon cher frète, le coeur le plus baibare eu (ciait touché, je vCrfe des larmes en vous la dépcit;nant, et je vous connois trop fenfible aux maux des autres pour peofer que vous lifiez ma lettre fans en être attendri. J'eus befoin de me rappeller toutes mes forces pour m'oppofer aux rélolutiuns de mes' camarades 5 les meillem es raifons ?up je leur alléguais, femblaicnt les im- atienter, et leur faire fcntir d'avantage la tiifteffe de leur état. La douceur avec laqucllej'efpérais pouvoir les détourner de leur dclTeii) ne produifant aticun effet, je pris un ton que mon caraélère authori . fait ; je leur dis avec une foiCe dont ils t furent lurpris, que " Dieu était ^ans donte ï *• irrité corttre nous, qu'il mefurait les l *' finaux qu'il nous envoyait, aux crime» î '* dont nous nous étions autrefois rendus I •( coupables ; que ces crimes étaient I '* fans doute bien énormes, puifque la f ** punition en était des plus rigoureufes, ^ ** et que le plus grand de tous était notie *' défefpoir qui, s'il n'était bientôt fuivi " du repentir, deviendrait irrémiffible. ** Que (çavez vous mes frères, continuai- « je, fi vous ne touchez pas à la fan de •* votre pénitence ? le temsdes plusgran- ** ( '• micî'ics ; et pour vous fonfliaiic "i d^s " fouffranccs pitirj<^cre8, vous ne C! ji^^iu'z *' pas de vous précipitei dans dc.-> tuniinciis '•qui n'ont de bu; ;k-s que l'Etcnnté. " Suivez donc votre ciiininelie lu-J'iluiion, •' arcompliflVz votic lioi ribie li Hcm, j'^i fait mon devoir ; t'i'ft ii vous àpeufir que Vous êtes perdu:» pour to!ij:nirs. j'efpère Cependant ajoutai ;>, que nar- mi vous, il y aura du moins quelques âmes alR'z attacliées à la Loi de leur Dieu, pour avoir é;;ard à ma r;'mon- trance, et qucllt-s fe joiiidiout à moi pour lui «îî'rir leurs peint-s, et p;:u: lui ** demander la force de les f'o.itcoir. Lorttjue j'eus fini, je voulus me retirer, mais tous nos gens m'arré èrcut. et me plier de leur pardonner l'excès du dc'fci*- poir dans le quel ils étaient tombés, ils me promirent en vcrfanr un torrent de larmes, qu'ils n'irriteraient plus )e Ciel par leurs murmures ou leur impatience* et qu'ils allaiem redoubler leurs efforts pour fe coiiferver une vie qu'ils reconnail- faieut tenir de Dieu feul, et dout ils n'é- taient pas maîtres dedifpoier, A l'inftant chacun reprit fou occrpation orJinaiie j je fus dans la Forêt avec mes deux camara- des, et les anties, lorflque nous fùm-^s revenus, ils allètent chtMchcr le bois que nons avions coupé. Quand tout le monde fut raflemblé je dis qu'ayant encore du vin pour deux ou trois MelFe», tl était à pro- pos d'en célébrer une pour dera.mder au St. Efprit les forces etle« lumières dont nous avioHS befoio. Le tem$ s'éclaircit le cinq de Janvier ; je choi/is ce jour-là pour dire la Mefle : j'avais à peine fini, que Mr. Vaillant, et le Maitre-Valei, hom» me foa et vigouieux nommé Foucaur, nous communiquèrent la léfoliition qu'ils avaient prife d'aller à la découverte de la chaloupe. Je louai beaucoup leurzèlede s'expoferainn pour le falut de leurs cum* pagnons. Dans quelque fituation que l'on iott on aime toujours à s'entendre louer | l'aiâour propre ne nous quitte qu'avec l«l '•Mi' 16 l>» .'ti' ,N If:»' ' I: V' '■U: if;" k A.; vie. Il n'y avait pal encore deux heures que ces hommes ètaierit partis, lorfqii'un les vit revenir avec un,;iir oint ur '•mets ont Wons. Je fini ^^crivis p< èommen I'eO»érar nais ({u( et c'eft, VOusécri • Le (e C.ipir(in Irèmc Or le num;n ,Ct quitta ^*itiiir;.bl .' Vers Girard p; il y avau ï. paraître bcsqiii il prés, l'a fa confci< ., il fit une .«qu'il pan r'croire qu' \ Notre _;fuivante , revint pas «|Uelqti*uï m côte de -•^de l'impi • près de -courage e plus loin 'nous pcrn jiiovk% ne ( Voifinage lin air affe; .fin ; ou pi Icxceffif qi |ruption d( effets qu'il lans une a Tant de répandirer tnalheureii vifage qu'a lettre tin nt. Les |et leurs en nifère dail leur famill lOielde fe 17 »cin(], et vous : votre me permet )it caille paff iadifféicace ; Vktmf mieux croire que vous en ivez été que ifTiin tmpéch^ p.tr de» afTiiiei indiffientables, ît pourvois montrer que je ue vous tais ^oint un crime de votre filr-nce, je luc lets aiie troiftônie fois en avance avec rous. Je finis la dernière lettre qttejcvjus tcrivis par vous diic qtie nous étions au tomincncèiuciu dé Févcier (o'itenus par J'efpérancc de voir bientôt finir noî peines, Pinais que Dieu en aVait rtifolu autipm^nt ; et c't'ft, mou cher frère ce que Je veux Vous écrire aujoiirii'hui ■ Le (cizf, le Sr. de Frenfufe notre Capirtinc mourut »\nh< avoir riçu l'Ex- Irèmc Onttion. Quelque* heups après, le iK;m:ué Jcrôrae 'BoHiînxan fr conttffa, et quitta cette Vie avec une rtTignation jtHmiriible. .' Vers le foir on jeune homme notpmé Guardpaya le inème tribu à la Nature : il y avait pluHeurs jouis qu'il fe diipofait à paraître devant Dieu; un mal dcjam* bcsqiii lui venait de s'être chauffé de trop près, l'avait fait pcnfer à mente ordre à fa cohfcicnce Vje l'aidai dans ce travail : , il fit une coiiffflion générale, et !e repentir iqu'il parut avoir de ces faute» me fait croire qu'il eo a niériié le pardon. Notre Mâître-Caniionier tomba la nuit ;fuivante dans une fuibtelfe dont il ne revint pas. A mefure qu'il nous mourait i|Uelqu*un, nous le mettions dans la neige à côte de la Cabane ; il y avait fans doute "^^^e l'imprudence û dépofer nos moits fi près de ndus, mais nous manquions de .courage et de force polir les aller porter plus loin : d'ailleurs notre iltuation ne nous permettait point de penfei* à tout, et f^^juous ne croyions pas devoir ciaindre le .^^voifinagede ce qui pouvait nous apporter \in air affcz corrompu pour avancer notre , fin ; ou plutôt nous penfions que le fro d jcxceflîf qui dominait empêcherait la cor- trupnon de prc^uire (ur nous aucun de ces effets qu'il aurait été naturel dé craindre lans une autre iaifon. ■ff Tant de morts arrivées en fî pett de tems 'répandirent l'allarme partout. Quelque ^malheureux que foit un homme, il n'en- 4vi(age qu'avec horrenr le moment qui doit -tmetire tin à fes peines, en le privant de la ;Ivie. Les uns regrettaient leurs femmes |et leurs enfans, et pleuraient fur l'état de nifère dans le quel leur mort plongerait leur famillié, les autres fe plaignaient au iel lie fe voir eolever i lis Vie da» ua âge ofi l'on commence feulement a m io}^ qu'.lque.'î.tins fcnlibles aux charmes \4» l'.iminé, attachas à lour patrie, et def^iiifS à de :; l'inbliiriTieni éf^aleiMent agréables ief a.'ai)i.i«cux jetraieni des cris qu'il éluit inivolliblc d'eiitwiidre 1 ins verfer des lar- mes : tluque mot qu'ih prononç lient Hlf pt''ça;i le cœtir ; à peine me rcfiiit il la }i> ce de-lc» conlolcr : je joignis d'.ibord mes l:ii mes aux leurs ; je ne pouvais (ans injjl'ice leur rcfnler cette conlolaiiou ni C(iiul.imiicr leurs plaintes. Il yaviuiiti danorci à prendre ce p-rti ; et je n'en voy.ii> point de plUs convenable q>:e de laidcr palfer les effets de leurs pretnières réflexions. Les pbjets de leurs reijrëts ne les rend.iient point coupabf'îs, que poiiv.iis-je condamner dans leur ..ju'eur ? C'cf) vouloir étouffer la N.ituie lÀie de lui i[U|.>urcr nience dans une occ.iii(»n où elle ferait mipiifable fi elle c-taii iiiicniî< ble. ^es circonflances d,ans les quels ..nous nous ironviou», 'ne pouvaient être plus facheofes ; fe voir mouiir, voir mourir fes jmis fans cfrç en état de le* fecourir^ être incertain du fort de treize perfoantï dont le canot avait été brifé,' ne pas dou» ter que les vingt quatre du vaiffeau ne fu(.' fent pour le moins aullî niallieureux que nous; être mal nourris, mal vêtus, iii'u gués, incommo.iés des jambes, rongés par la vermine, aveuglés cuntinuellciuetu ou par la|neigc ou par la fumée : voiLt norre^ état, chacun de nous était l'image de 1» mort, nous. frémiQiunben noiis.ie^^ardant; et ce qui fe palfait en moi juftifiait les plaintes de iiiescamarddes. Plus la douleur eft violente, moins elle dure, et l'expreflion manque plutôt aux maux extrêmes qu'aux médiocres. Dès que je les vis plongés dans ce fî« lence qui luit ordinairement les pleurs qu'un grand malheur fait répandre, et qui efl la marque d'une plu» dQuIeur exceifi^ ve ; j'effayais de lès confoler, et voici è- peu.près ce que je leur dis : " Je ne puis condamner vos plaintes *^ mes cher Ënfans, et Dieu les é« <* Coûtera fans doiUe favorablement f *< Nous oMonn plufieurs fois dans notre " malheur fenti les effets de fes bontés* ** Notre Chaloupe ouverte de tous côtés» ** et toutes fois fôutenueetconferVée pen^ ** dantlanuit de notre naufrage'; laré>« '* lolution de vingt quatre hommes qui. fi^ ** fontfacrifiés pour noue (iilui ', et fuir- , li)' ! :î.. i 18 {» k If . l't:'': llli 1^ <* loui la découverte de deux canots Saiu *' ▼agPSi font des événement qui prouvent ** munifrllrinent la proteflion que Oieu f * noiit accorde. Il ne nous diftribue ^rs ** faveurs qoe par dégrès, il veut avant f dy mettre le comble que noti» nous en •< rendio'ni dignes par notre rérignation & ** fouffrir les maux qu'il lui plaira de ** nous envoyer. Ne défcfpérons pat de ^*' la Providence, elle n'abandonne jamais ** ceux qui fe loumettent entièrement à ** les volontés. Si Dieu ne nous délivra *• pat en un inflant, c'c^ qu'il juge à •* propos de fe fervir pour cet effet de ino- ** yens qui paraiffent naturels ; il a déjà •• commencé en conduifant le Sieur •• Vaillant et Maître Foucault vers le f< lie» où font let canots, foycrns inra *' qu'il voudra bien achever cet ouvrage. «• Pour moi je ne doute pas qu'il ne dcftirie *• l'es canots à notre délivrance. Ce fe- ** cours, mes chers enf ans, ne peut tarder •* à nous être ofFen, nous touchons au •* mois de Mari, t'eft letemsau quelles •« Sauvagei viendront prendre leurs ca- •' no»s, le terme n'eft pat long, ayons «* patience et redoublons d'attention pour «• découvrir ceux dont nous efpérons du •♦ fecouts. Ils ont fans doute une rha- *• loupe; prions Dieu qu'iUcs difpoie à «• nous y donner place, il tient en fes «* main» les cœurs de tous les honirots il <* attendrira pour nous ceux detesSau- «• vages, il excitera leur compadiôn en ** notre faveur, et notre confiance en les ** bontés joint au facrifice que nous lui •• ferons de nos peines nou» méritera ce ** que nous lui demandons. Alors je me jtttai à genoux, et récitai quelques prièics qui convenaient à notre fituation, et à nos bcfoins ; tout le monde zn*imita, et perlonne ne pcnfaplus à ces - xnaux que pour les offrir à Dieu. Nous fumes affez tr.mquilles jufqu'au cinq de NlaTs ; nous voyions avec joie approcher letnoment de notre délivrance, nous comp- tions y toucher, mais Dieu* voulait encore nous affliger, et mettre notre patience^ de nouvellei épreuves. Le Ax Mars jours éti Cendres vers deux heures après minuit, une grolFe neige pouflee par un vent de Nord très violent mit le comble à notre malheur ; die tombait en ti grande quantité, qu'elle rciaplit bientôt notre Cabane, et nous obligea de paffer dans celle des Matelots •ù olle n'entiait pas açini %u« daas i» nAtre, mai^eomme elle était |>1 us grande, nous y étions plus au large ; notre feu fut éteint, il n'y avait pat moyen d'en taire, et pour nous échauffer nous n'avions que lareffource ,de nous mettre tous en- femble et de no dcurfi yivteatCi %w iwtts mus cjroyoni II to'^t mes. LeI Çer et| il n'y h^ 19 'éttit plut ii^rftDdf, large : notre feu f Pai moyen d'en uffer Doiis n'avions » meure lous en- rer les unsiiuprè» Imcs donc dans U Mercredi ven huit ; y portâmes noi i( jambon crû que que nous y fû nés cnfuiie la neige î. nous étendîmes «erie, nous non» es Idm beaux dea gaiantirdé la «ei. du froid. Nout ans feu, et Un* chofe que de la itin. )lution de fortir ïotif lâcher d'ap> de la farine pour Hait de la vie à riher du fecours la faim j j'avais rois jours et les •ns paflesdans'la le ou cinq hom. es mains étaient ous ëiiou» bien été furpris de la d fin fi vif le Vendredi, que ut mort infailli- cnt forti de la «es. Vous en » vous dire: le îi le Samedi, je Léger, Bafile riuvr'., nous ne d'heure à aller ^pendant Bafile :ds etlesmaina moururent peu le d'aller juf- ait inacceflible, noua perdre fi cet obftacle. ' de faire notre >us en eu envi* cr de fa vie ce ^dant toute la ■« par une fi b par uhear- ouscjTojroai jl ^ ion» moment fur Iç point d'en «5tre confu- mes. Le Dinianch'* dix, MeflTicurs Fjift, Lé- ger et moi, nous profiiàiuci du te us qui tiHii^afTcz beau, pour aller clieicher un peu Je bots ; noij< éfions Ic^ (culs ea état de maiclior, mtis peu s'en fallut qui" le froi.i qu? no'is cnriirâm's, et la f itignc qu'il nous failli' t"ir>V'.-r en ôcait.ini la nei- ge, ne nous rédiiiniFcnt d.nis- le dk'.uc état que les autres ; lieiireufcm mu nouj noiiiînmes bon contre l'uu et l'autre, lions apj'Oi unies du bois, noiii fi.n'sdil feu, el avec de la neige rt fort pou de t'(. fine iKMis rinn("s ime loUe fort claire qui nous défaltcia tatit-foit-peu._ Tout le bois que nois avions ai'portt: fut coa(u'Tié veri hiiit heures dii lor, et Citte fiuu lut fi froide que le Sr. Vailhnt père fut trou'/;'- mort le Icn'ieuiain. Cet accident fît pcnftr ù Mis. FurO, Léger et mot qu'il érait à propos de retourner dans notre Citb I une, clli était plus pe'itettpar Conféqueiit plus chaude que celle des Matelots, il ne to iibait plus de neige, et il n'y avili» point d'app.ireiic- qu'il en tom- bât d'avama^e Qiiclqu." grancle que fut notre foibleffe, nous entreprîiuei d:j.tter dehors de nbnc picinièie dem'îure lest^la- ce» et la neige dgiir elle était reinplie. nous y portâmes lc pois; iiou< u'avi'j'ti pas l'ept livreiilo clundellfs, ni a tfiit de lard, et le jaiub^ i qui nous r'ilait ne pela t tout au plu h que trou livr-^j. U «taitiemsdo pcnler a i li'ichfr d'autiff* tnoye.is de vivre ; unis illânes doic Le. gcr et moi, car Mr. Fuft iiotic fccond capitaine était h(jt s d'éiat d:; fouir, cher- cher a m r inlL: Je^ couiiila ,'i.i ; U; teuis était alfez beau, nous m.irchâ nés piès de dîux heures dans l'eau j'ifq.i'aiix genoux, et nous trouvâmes enfin fur un bmc de fable des cfpècc^ d'Ir.iîties dont la coqiiil. le elt unie ; nous en apporiàm?» le plus qu'il non-, fut ))o(Iible, eiîc'. étaient bonnes c( tome* le-, fois que le tonis et la Mer le P'-rmeitaient nous allions faire piovifio'i j» mais elles nous coûtaient bien cher, car en arrivant à la cabanne nos pieds et nos m iins étaient également enflés et prcfque gelés Je ne me di(îimulais pas le dangor qii'il y avait à réitérer trop (iju^'ent cet- t; forte dé pêche ; j'en (entais les co;-.(é. qiiences, mais que faire ? il fallait vivre ou plutôt retarder le moment de notre mort. Nos malades empiraient tous les jours | la c'aiigréue s'était mife dans leur jambes, etpeifoiine ne pouvait les panier ; je me chargeai de ce (uin ; il était de mon devoir de donner l'exemple de cette chaiité qui eft la base de notre Religion ; je fu^ poui- taiit combattu quelques momens entro le mérite de remplir mes obligations, et Itf danger qu'il y avait à m'en ac^uitter ; Dieu me fit la grâce de triompher de rn^ répugnance ; mou devoir l'empoita, et quoique le tcms auquel je panfai^ ie^ pilj|. es de mes camarades tut pour moi le plus cruel de la journée ;' jamais je ne ralentis les foins nue je leur devais. Je V04S dé- taillerai dai|S ma l'eptiéme lettre de quelle nature étaient leurs plaies, et vous juge- rez fi la répugnance que j'avai§ eu d'à- bord à lespantét était bien fondée, ou plu- tôt vous verrez lî clic n'était pas excufar ble à la première réflexion, Je fus bieij récompenféde mes peines; la recoiinp:!'- fance de nos malades n'eft pas concevable; •* quoi, medifaitTun^ yogs yous expofe? *' à la mort pour nous conferver à la vie ; •' laiffez nous à nos douleurs , vos foinj ** peuvent bien^le s adoucir, mais il ne le» *' dilfiperont jamais. Retiicz-vons, m? " dji'ait l'autre, et ne pjvç? pas ceux qwi «H 20 •' ne c^oivnt poim n^ouiii «le la cnnfolitt- *' ni de vous .1 voit avccfiix : .iiilc/..nnii8 t< II «f fpiilfrurni à nom mriiie «u «^"''i d'aller «'tinie compre B Dieu «les jours qu'il •■t l'iivz «lifiiiic l'air nous a la'lli-i, corrnmi'ii ijuc l'on rifpUi: .luy rc^ de P(;U<. Vou* jiij^cz I irii qijr leurs inOanccs fii- ren' ik" Mi)uvp<(ux iifus q' i m'iinaiiu'u'ut auprès (i'cox, elles auguicntjiciU le plai- flr que l'on^nt à t'.iirec- que l'on lioit, et tne (Joi mit ni I. s i. afre(^lioiiné frère Kmmanuei- CuEspEi,, Récollet. D-: Paderb' ra le 28 M^.-s 174e. ~ StPllKMK LEITRË^ Mou tics chi r fièic, Je fuis bien aife de voir que vos occu- pations aient ('té le s feules caufes de votre îilencc ; je n'en ai jam^i.s fom)çonné d'au- tres, ei je vois avtc olailir que je ne me fuis pas trompé. Mes trois dernières Lettres vous of.t, djies-vou^-, autant lou- ché que les précédentes, et ont augmenté la Ciriofité de ceux qui les ont vues ; cela tiie flatte beaucoup, et m'engagea me dé. Ît'chei à vous envoyer le rtfle de ma Re« ation j j'efpère que vous en aurez la fin, vers le dix huit du niuis de Mai à moins que je ne fois obligé de faire quelque voy- age aii!>aravant ; quoiqu'il eu foit, voua pouvez compter que ce fera le plutôt queje pourrai. Je VIS bien que nos malades ne ppuyaient éviter la mort j ils le femaieiit eux aie mes; et quoiqu'ils y jiaïuH'cnt dilpofés, je ne me cru ya difpenie de les (crvir dans • les derniers jouis de leur vie. Je faifais loirctma:iii la prièie aupiè« d'eux; en- liiite je les cou6rinais dans la fouiniflion qu'ils avaiciH à la volonté du'Ciel. " Of- *• Irez vos fouffrances à Jefus-Chrift, *' leur dif^is-je, elles vous rendront dignes *' de recueillir le truit dii Sang qu'il a *' verlé pour le ialtit du Genre Humain ; *• cet Ilotume-Dieu eft le p.iifiit modèle dç C( ne patience et de cette réfi;4it»iion que j'nlniic en vous; votre rxii rd 11', le point c-ez Ci Diei c'eft un bon Pèle, il n'aban-lonne ji»mai^ Us (ieiis, et foyez fitr^qu'cn vous appi'llïU i lui| il n'oubliera pai q.i'il vnu> en't ve à dei faiiullci qui auiont bin aj>K> votre inoft des ioiiis de fa Piovdence 11 « P'ornis luimôiue ii'ê:re K- fouiieu de l'orphelin et de la Veuve, f 1 paiol'- eft fiable, frs proTit îlesn'" C'Ut jannislaDS cHcts, et par v(»sfouHr inci.^ vous mé» riit'2 pariiculièremeu qu'il jeue fur voS teuimes et fur vos ent'ans uu le^ard ta* " vurable, et qu'il falfe pour eux beaucoup *' p'tusque vous n'aurit z iaii vous-mémei. Ce» pauvres moribonds ne me lépon- daieiU qu'en m'alluraiit que toute leut ef-. pérjn».c était eu Dieu, et qu'elle était (^ fcrme^qu'jls (e voyaient piêts à quittei le monde fans penfer à ceux qu'ils y laiiïaient que poui'les ncomniandei à fa Divine pro» te£lion. . Lorique- j'avais fini de leur parler des cliofes fpiriiuelles, je fongeais à panfet leurs plaies ; je n'avais que de l'mine pour les uetio>cr' ; je les couvrais eniuite de quelques morceaux de linge que je fai- ii\i iéihër, et quand il me. fallaii Qter ces linges, j'élais fur d'enlever en même tçtni, des lanibeaux de chair qui par leurcor> rupiion lépaudaicnt un air infecté, aux en* Virons même oe la cabanne. Au bout de douze jours il ne refla plus à leurs jambes que le^ os ; le» pieds &'en étaient détaches et leurs mains étaient entièrement décharuéej. J''^tais obllgéjj de les panfer à piufieurs reprife^. l'infedi» ou qui en fortait éiaii fi grande qu'il me fallait prend e Pair à chaque inftant pour, n'en être point fuffoqué. Ne croyc» pas mou cher frère, -que je vous en impofe, I3ieu m'eft témoin que je n'ajoute rien à la vérité, et que la choie eïi encore plus horrible que je ne puia vous la dépciudreo' Les exprifiîoos font au deffous d'inte ûtua> tion pareille à celle où je me trouvais alors. Que de chofcs touciiantes n'aurait- poift 1 tCiix ! rat l'e le, et celle; L.' p| chi inu| S lUva;;! les ilu qu-^ l'' en'.ciidi] avions et qu'il! détoivT tau, ici dix hi-ul erMr ce que tais en dre, et vert. lis à pt'lHC plufi 'u coutrf, appieni malade tl ligue I une Fet Je paili me fit e les je lî Vue de touché éttous I demain fe, et ( aurait \ Nou te, et à Ciel voyer. appor ■proiHi tromp vage I uns fe midi ; de loi prudt demd comn fitait déco avec partî «f p.uftif modèle rttc réri;;iiiition votre pxilfft qi'cllp* «'rdCPi : au Seigneur m n.)uft«!i;i' Ifs et an Pou du c(l vrai, des ! de VOil lUPS l''S ciii.in^ dont le V )fft' (luvra* 11, cVft 11 11 boa nji^ les (iriiSf |pp^'llal^ à lut| II» eo'ivc à ilei lin .t|irc> votre v deme. Il ^ If fouiini de , f I patoi'' eft 'i>t j.ini lis (tins t'i.i vous mé' il jeiie fur vos ' un ic^ard t'a< eux beaucoup < voiiiinéme», )e me iépun<< tome leiiï efr qu'elle ctdit Q s à qiiitiei le *ils y JAdlaient fa Divine pro> rur parler des ;ais à p^nfet ie lie l'uiine ivrais enluite ;e que je t'ai- llait Qter ces 1 inème temg )ar leur cor- ef té. aux en- ne rcfla plus es piedi s>'en •lins étaient tais obligé^ e*. i'infcéti- nde qu'il me liftant pour, croye? pas' en im|.)ore) ijoiitc rien à encore plu» dépeindreV" d'uijeûtua- le trouvais! tes n'aurait^ je psj ^ vf»iM AWf, fl je vonl/ii voit* rap- poruT les dilVo in 'i" ffS panvies mallu'ii- tCiik! je lâchai- (an;, cllt? 'le Ici confoler p.u iVIpciar.cc d'nnf itCiiHi, en(e éternel- le, et je j)l^n i-i I Mivrii mf* Urnr-s î Cellei qur ic leor voyais fépamire. 1.'! Ptcinin A "^'l 1' Sien» L' (?<*' »mI» tf cluinirt de IViid'oit o'^i t'taifiil ks Canots S iiiv^:»?», ti je f>i J «ti iK/ii vers liuii h II res 'In m^tin : !<• mt" \<\uifii' fui un arbre (\w. j'dV lis ahbiHii, loil'|i»M ni'" finbla entendre nn ioii(t de fufil ; comme nous avio'n pliWiiurs fou o.ii le môme b uit, et qu'il ne non av ni p;is été [lollible de dôco.îvrir ni d'où H pa tdit, ni ce q le c'ô- laM, je n'y lia pa» ;;iande aitentioiu Vi-rs dix beuies je icvin» à li r.it).iiinc pinir pii- er Mr Turli d venir in'iider à apporter ce que j'av..i> idu)H' de hoi^ ; je lui ion* tais en marcli.ini ce que j'^vai-- cru cnion* dre, et je rej^^iilais en même îcms fi je ne verrais pa jagct de notre confternati- Pn i à ootic arrivée nous ne trouf &iAe} plut ni le Sauvaije rti Ton cano% il VavaU eitt* porté prnitjiii \à nuit, ei s'ét.iii reiré dini un endioit qu'il nouii fiit impoilible d ; dé« c )iivrir Pour vous apprendre la caufe il'on pareil riorclé, il eft fîfcelTaire de vou» due que etSiuv.i^e> cratgneni la iiioil p1u-> que pcrfoiinc, et parconfêou'înf la maladie : la fuite de cclui-i-i partait de cette crainte e«t(rr»v qui eft ^'al liculicp" i ccite Nation, l'éida^c df nos m-ins, l'état affieux de n()^ mal idîs, et l'infe tion de leur» plaia» avaient te lemeni cffiayés cet hoina)e, q le pour ' viter d'(*tr_* (urpris du inau v lii air, il .ivait cru d-Voir ne pas len r fa p* oie, et chinger de demeure de peur que no la n'ait jIFiuiii le forcer ;V revenir lin- nOir* cabannecf à nou!^doiMer du fecoar'.. U^ioiqiic Ce contie-tfrn* nois affligeât beiucoup, nous y anriois éiô b en plus fenfihtes s'il n'y avait pas eu un (e ond canot ; mais il fillaii piendre d s m (ues pour empêcher que ceux auxquels li 4)»- parteiiaii, ne vous éch ipalfent ; noui avi- onsà craindre que le (auva;;e qui nou< avait joué, n'avertit (i>n camai adc du d inger qu'il y avait pour lui de venir dans notre cabane, et ne lui periuadât d'aller pron ire Ton ca* not pendant la nuit, et de s'éloigiK-r de l'endroit où nous étions Ceite réfl Ction nous fit prendre le pat ti d'emporter le canot avec nous, afin d'obliger le fjuvage à venir d.ins notre cabane, et a nuUs fecourir, quelif que répugnance qu'il put avoir à le (aire, lans cette précaution nous étions perdus» pas une desdeuxoecalioiis que nous avions eues de nous fauver, ne nou:i aurait fervi, et notre mort était certaine. Quand le Cdnot fut porté, nous l'attachâmes à un arbre, ce f içon qu'il n'était pas poRlble de l'enlever (an< faire alTcz de bruit pour nous avertir que quelqu'un cherchait à le déta. cher. Quelques jouis fc palFèrenl dans l'attente du fduvage auquel le canot appar- t::nait, nous ne vimes perfoiinc, et pendant ce tems nos trois malade^ moururent. Le 7 au foir Mr. Le Vujftur tut furpris d'une faiblelFe dont il ne revint pas, et les deux autres voyant que le lecotirs ménie du fau« vageque nous attendions, leur feia.t inu« tile, puifqu'ils étaient hors d'état de mar* cher, ie mirent de nouveau en état de paraître devant Dieu. Le fieur Vaillant fils, mourut le lo, après avoir fuulfcrt pandant un moi» entier tout ce qu'il eft polfible d'imaginer, fa pa, tiertceégala tovjottrsrea douleurs, il était 22 K •gécleiÔans, ce Mr. f^aUlant'qae nou» avions perdu le ti Mais, était fon pèrr, la jeiineffc ne liii pqrui jamais un litre pour Je plain>irc d'être fiiôt enlevé à la vie, en un m<», il expira avec cette réfignation et ce courage qui çarailèrife le parfait c|iié- tie;j. Le fieur de Senncvilte imita les ver- tus d<î Mr. Vuiltani fils, où plutôt ils fc fervirent de modèle l'un à l'autre inâme douleurs, même patience, mt'me léfiJna- tion, que ne puis je bien vous exprimer toi)t ce que ces deux jeunes hommes me dirent quelques jours avant leur n'ort, ils me faisaient rougir de n'avoir pas autant de courage \ les confoler qu'ils en avaient à fouftiir, avec quel refpett et quelle confi- 3nt-'c nc parlaient-ils pas de la religion et de la miféricorde di/ feigneur ? dans quels termes ne m'exprimaien't ils pai leur re- connaifTailcc \ c'étîiient en vérité, les deux plus belles âmes et les deux meilleurs coeui) que j'aie conmu de m:i vie. Le dernier m'avait plufieurs fois prié de lui couper les jambes pour empêcher que la gangrené ne gagnât plus haiit Vous juge^ bien que fçs prières furcr.t inutiles, je refu- fai conftamnient de faire ce qu'il fouhaitait, .et je lut repréfentais que je n'avais point d'mftrumens propres à cette opération, et que quand même, je pe voudrais pas la rifqiier ; que loin de le foulager elle ne ferait qii'angnienter fes douleurs fans poiir cela le garairtir de la mort. Alors il mit ordre à fes affaires ; il écrivit à fes parens . de la manière la plus touchante et rendit fuit efpxità Dieu le 13 v«rs le loir âgé d'envi- ron ao ans, il était Canadien, et fils du fieur de SennevitU qui iut autrefois page chez madame la Dauphine, enfuite mouU quetaire, et aujourd'hui li^utenunt du Roi à Montréal où il jouit d'ur» bien confidéra- ble. La Mort de ces trois viétirties de la faitn et du froid nous ufligea beaucoup quqiqu'en effet leur vie nous fut, pour ainfi dire, à charge ; j'avai» pour eux uneten< dreflede pèie, et j'étais payé d'un parfait retour ; cependant en réflechifTant que fi le Sauvage ét^it arrivé lorfqu'ils vivaient ciKore, il aurait fallut les laiffcr dans la cabanne feuls et (ans fecourSi QU perdre l'occaiion de partir, je crus deyoir leniercf • er le Seigneur de m'avoir épargné enap. pellant à lui tous nos malades une G cruelle •Iternaiive. D'ailleurs nons n'avions plu» ' de vivteiî îl ne nous reflait que le petit J9mboa dent je voua avait paUé, nou^crai.» gnions d'y toucher, et nous nous contenu tions de quelques coquillages que Léger et moi allions ramafler de tems en teins fijr les bords de la mer. ^lotie toibleiïe augmentait de jour en jour et nog» avions peine \i UQus loutenir loift^ue je pris la icfjlutiunde chercher les Sauvages dont nous attendions l'ai rivée, et de nous fer. vir pour cet cff't de leur canot : nous tirâmes pour l'accommoder de la gomme des arbres, et fîn^es avee notre hache des aviions le uioiiis mal qu'il nous fut pofli- ble : je fçivais parfaitement cannoftcr, c^étuit un grand avantage pour exécuter notre delfein, et même, pour nous expo» fer, en cas que nous ne puiflions trouver les Sauvage^,, à courir le lifque de traver- (er avec le canot ; c'était notre dernière rcirpurce : quand il fagit de conferver ff vie on s'expofe volontiers atout. Il était fur que dans cette HIe nous n'avions que peu de jours à vivre; en pafTant la mer nous ne rirquions pas d'avantage, et nou^ pouvions efpérer que cette tentative nou9 féufruaii.. Tout fut prêt le ving fijt Avril j nou? fîmes cuire la moitié du Jambon ; nous en prîmes d'abord le bouilloii, et compti- ons réferver la viande pour notre route, mais fur le foir la f^im nous prefTa fi fort, que nous fumes obligés de tout manger. Le lendemain, nous n'etiities pus plus de force que la veille, ei le vingt huit nou$ nous vîmes fans refTource, et fans efpéran- ce d'en trouver afféz tôt pour nous empê- cher de mourir. Nous nous difpofâme» donc à la mort en récitant les Litanies dcf Saints, enfuite nous nous jettâmes à ge- noux, et levant mes mains vers le Ciel je prononçai cette prière. " Grand Dieii, fi c'cft votre volonté *' que nous ayons le même fort que les '* quatorze perfonnes qui ont péri fous nos <* yeuXt ne tardez point â l'accotiiplir ; nç ** permettez pas que le défefpoir nou^ ** furmonte, appeliez nous à vous tan- ** dis que nousfommes réfignés à fortir dç *♦ ce monde fans legrct. Mais, Seigneur " n vous n'avez pus encore réfulu notrç •• mort, envoyez nous du fecours, et " donnez nous la force de fupppner f'an!( " murmure les affii£lions que votre jufliçe f* i)Ous prépare encore, afin nue nous ne 'f perdions pas eu un inflant le fruit de la " foumi(|ion que nous avons eue jufqu'à *• préfent pQur ^ç) dêciéu de votre F19- ♦♦ VÀ4cacç, ... ■ , % i 23 is nous conten-^ :igei que Lt'ger î tems en tcrns Notre toibleffç r et noqs avions ifi^ue je pris ]j| Sauvages dont ec de nous fer- II canot : nous cr de la gomme lotre hache des il nous fut iioflî- <*nt cannoftcr, pour exécuter ■)iir nous expà* iiiflîons trouver ifqiie de triiver- notre dernière de conferver f^ l tout. Il étaù us n'avions quç pafTant la mer ntage, et nou^ • tentative nouf ; Avril j nou? Jambon ; nous on, et çompti- ■ notre route, prçfla fi fort, ut inapgçr. ties pus plus de gt huit nouf t fans efpéran- r noqs frnpé- us difpofâmc« es Litanies de) ;t(âmes à ge— s ver» le Ciel votre volonté c fort que ic9 ' péri fous noi iccoqiplir ; nç ffcfpoir nou5 à vous tan- lés à fortir dç ais, Seigneur réfolu notrç fecours, et UppPfter fan^ votre juftiçç fl'je nous nç le fruit de la s eucjufqu'à e votre F19. Je finiHais ma piîère lorfcjue nous en- tendîmrs un coup de [u!il a.i quel nous Irépondîines bien vîte ; nous jugeâmes bien que t'était le Sauvage au quel appar. tenait le canor qjc nous avions ; il vou- lait voir fi quelqu'un de nous é ait encore vivant, et s'en étant aupeiçu par nofe coup de fiifil, ifalluiua du ft-U pour palfer .'a nuit ; il Jie nous croyait pas en état d'al- ler le joi.idre, et n'avait afrurément pas envie que n -us le tidions, c^r aailiiôt qu'il nous vit, il cach.i dans le bois une panic d'un O Us qu'il avait tué, et pru la fuite. Comme nous étions en l)ottî5, nuus eûmes bien de la peine at nous renire à (on feu ; il nous avait f.i'lu traverfer luie Rivière aflez greffe et déglacée depuis queiq.ics jours ; nuus vîmes les irarcs de fd fuiie, nous les fitivîmes avec une fati- gue iicroyable, et qui aurait été inutile fi ce Sauvage n'avait été contraint de rallen- tir fa marclitr pour que l'on fils a^é d'envi- ron fept ans put le luivre : Cette circonf- tancc fit nouefalut; vers le loir nousur- rivâmes auprès de cet lionjine qui nuus deminda fi nos malades étaient morts; cet- te queftion qu'il nous avait laite avec un air de crainte qu'ils ne vccuffeBt encore, ne nous permit pas de douter que le,pre. miei Sauvage ne l'eut averti de notre fitu- ation, et du rifque qu'd y avait de s'appro- cher de notre deucure. [e ne jugeai pas à propos de ré['ondie d'abord à la deman- de, et fans autre compliment je le preifaî de nous donner des vivres et pour cet ctict de retourner lur fes pas. il n'ofa rélifler ; nou» étions deux contre un, bien armés, et encore plus réfolu de ne paî le quitter un moment II nous avoua qu'il avait un Oius picfqu''-ntier, et qu'il ne refafait pas de le parta[',er avec nous. Lorfque nous fumes à l'emiroit où il avait caché cet Ours, n>'usen mang-âuies chacun un morceau cuit à demi, et entuite nous tîmes prend) e le refte au Sauvage et à fa femme et bs coniui^îmes à l'endioit où nous avions laiifé Mr. Furft. Cf. pauvre hom- rne nous attendait avec une impatience extrême. Quand nous arrivâmes il était prêt d'expirer ; vous pouvez imaginer qu'elle fut la-joie lorfquc nous lui dîmes -que nous avions des vivres et du feCours ; Il mangea d'abord un morceau d'Ours, nous mîmes le pot au feu et prîmes da bouillon pendant toute la nuit que nous paiTâmcs 'ans dormir de peur que le Sau- '^agequi •i'^Vitit pas voulu cuiichcr dani la cabanne ne décampât. Lorlque le jour fut venu je fis entendre k cette homme qu'il fallait abfolument qu'il nous menât à l'endroit ou éiait la chaloupe fur laquelle il avait travifé ; et pour l'engager à ne pas nous refuler ceqiie je lui demandais, je lui d\i que nous le traiterions fort, mal, ï'il tiudait à nous y Conduire. La crainte d'étte tué !c fit bien vite travailler à conf« truire un traineau fur le quel il mit fon canot ; il uous fit fi^ne à Léger et à moi de le traîner, il voulait fans doute nous fatiguer et nous obliger par là à renoncer à un fecours qu'il nous vendait trop cher. Nous aurions pu le forcer à porter lui» même le Can-jt j mais cette violence ne me païut pas à fa place : il convenait àt ménager ce Sauvage, et tout ce que nous pouvions faire c'était de prendre avec lui des précautions pour n'en être point les dupes ; je vous dirai dans ma huitième Lettre quelles furent ces précautiont, eE je crois qu'elle fiiffira pour vous appren» die la hn démon Naufrage, et mon retour en France. Je fuis toujours avec un parfait attache* •ment Mon cher Irère Votre très afFeftionné fière Emmanuel Crespel Récollet, De Paderborn le 24 Avril 1742. HUITIEME LETTRE. Mon très cher frère. Je vous aurais envoyé le mois dernier la fin de ma- Relation, fi je n'avais été obligé d'aller «'aflTer quelques femaines à la campagne ; je n'ai pu pendant toute cette abfence trouver un feul quart d'heu- re que je fulfe le maître d'employer à achever de contenter votre curiofité ; je revins feulement hier à Paderborn, j'ai lait ce matin quelques vifites ; vous fça« vez qu'il y en a d'indifpenlables, ci je vous facrifie le refte de cette journée. Jexigcai da Sauvage et de fa femme qu'ils marchailent devant noui, fous pré- texte de nous frayer le cliemin, mais je ne bornai pas là mes précautions avec eux» je leur dis que l'enfant qu'ils avaient ferait trop fatigué dans cette route, qu'il fallait le mettre dans le canot, et que nous nous ferions un plaiiîr de lui procurer ce fou- lagement. Les cœurs des Pères font partout les mêmes ; il n'y en a point qui n'ait obliga- tion du bien que l'on veut faite à fesenfans. 24 et qui ne l'accepte avec plaifir. Le fils de celui-ci fut pour nous un otage de la fidélité de (es parens ; nous marchâmes plus d'une lieue dans la m ipe, dans l'taa, ou dans les glaces, notre fatigue éiait ex- trême, mais l'cfpéiance du truit qui de- vait nous en icvcnir nous foutsnait, et noas donnait du coumg^, il ne nous tut pourtant pas poilible de tiier touioiiri ce Iraincaii, nous fuecciul!âni;;s, et le Sauva- ge touché de notre épuifeiuenr, prit le canot fur fcs épaules, le porta jufqu'à lu mer, et y fit d'abord entrer 1 1 f>'mme et fon fils : il fut alors queftion de fçavoir qui de nous embarquerait ; le canot ne pou- vait contenir que quatre pcrronncj, et par- conféquent il n'y avait qu'un de nous trois qui put en profiter. Je m'olFiis d'abord à reftcr, et je dis à Mrs. Furft et Léger de convefiir enftmble le quel des deux par- tirait ; chacun voulait avoir la préférence fur l'autre, et craignait d'échapper ce te occafion d'évucr une fin lualheuieufe ; )}endant qu'ils difputaient, le Sauvage lu** ni fignc d'avarCcr, et après m'avoir dit qu'il imaginait bief» l'efpèce dç difpute qui s'était levée entre mes deux cainaïadcs, il yne déclara qu'il ne voulait recevoir que moi dans fon. canot, et fans me donner le tems de répondre il m'y entraîna avec lui et gagna le large. Mrs. Fui II et Léger fe crurent alors perdus ; leurs cris exprimaient leur dé- fefpoir : je n'y pus réfifier, et je priai le Sauvage de rappocher terie, afin que je pufTe dire un mot ae cOulolation à mes camarades. Lorfque je ftis à portée d'en pouvoir être entendu, je me juilifiai auprès d'eux en leur rapportant le difcours du Sauvagp, je leur Confiiliai de hiivie la mer, et leur promis fois de Prêtre qu'auf. iltôt que je ferais arrivé à la cabannc des Sauvages j'irais au devaiis d'ciixavecuu canot. Ils me coniioiiraient ineapabie de me rendre parjure, les affarances que je leur donnai les confolèrcnt, et ils nous virent reprendre le large f,in^ inquiétude. Ce jour là nous defccnaîmes à terre ; le Sauvage piit fon canot iur les épaules, le •porta près du bois et le mit Iur la neige : • comme j'étais fatigué d'avoir été fi iung- tcms à genoux dans le canot, je me i e- pofai fur une piètre au bord tie la mer, cnfuite croyant que le Sauvage allumait du feu pour coucher en cet endroit je pris mon fufil, deux avirons, et deux gros mor- ceaux de viande que j'avais embarqués pour épargner à Mrs, Fuift et Léger la p<'ine de les porter, et je montai fur des» bordages de glaces qai avaient pour le moins iix pieds de hauteur ; je n'y fus pas pit.'.ôt que je vis que m jn Sauvage ei fa femme avaient rais leurs raquettes qui font des efpèccS de patins dont les habirans du Canada le fervent pour aller plus vite fur la n ige ; le Maii tenait fon fils fur fes épaules, et tous les deux couiiaicnt de toute leur force ; les ciis qie je pooiïii pour les arrêter, ne firent q'.e reUonhler la v! te (Te de leur tour fe ; aufTnôi je jett li mes avirois, je defcendis les l>orda;.ies, et avec ma vianie et mon faiil je fuivis leur pif- te aff z de tems. En montant fur les glaces je m'étais fait à laj^m Je droite une playe très confi.léra^ b!e qui (e renouvcHait dans ma courfe ton. te le.^ fois que j'enfonçais' dj us la neige, c'i-ft-a-dire a chaque inftant ; je ne poiu val 3 plus refpirer, et je fus plufieurs fois contraiiitde reprendre haleine et de me le- pofer Tu le bord de mon fnfil ; j'étais dans cette polLire lorfque j'entendis la voix de Mr. Léger ; cette rei'.contre nous caufa à tous .deux un plaiilr extié.ne ; je lui dis ce qui s'était ^.afié, et lui de fon côté m'ap« prit que Mr. Fvnft accablé de fatigue n'a- v«iii pu le fuivie, et qu'il était relié éten- du Iur la neige dans un cndroitaflez é- loigné de celui où nous nous trouvioos alois. Dans toute autre occafion j'aurais volé â fon 11. cours, mais il était de la dernière impoitancc de joindic notre fuyard; Mr. Léger feniit tomme moi combien nous rifqnious a tarder plus long tems de mar- ciicr fur fes t.aces. Dans l'infhtni, nous couiû ViCS vers l'en. droit où je l'avaio qu'il s'était entui. Mais comme il .iVait quitté la neige pour preu. dre le bo d de la mer q i était balfe et bo: liée de fable, nous tilmcs arrêtés qael- que teins : nou^ ne laiHdines pourtant pas de condnuer notie chemin, et après un quait d'heure de marche, nous re.rouvamej la I lifte du fauvage qui avait quitté les ra« queues, ne croyant pas fans doute que jeiili'e [ à le fuivre jufques là, cette circon- ftince nous fit croire qu'il n'y avait pas lomjulqu'a fa cabane. Lorfque nous fû- mes auprès du bois, nous entendimes un coup Ue fufil. Nous ne jugeâmes pas à piopus d'y répondre, de peur que celui qui l'avait tiré ne fut le fauvage que nous pouifuivionSi et ne remit fcs ruqueues , ^pour fuij Anousfat Carnes dol Ile premJ 1111 fecoij ^.'le fauval .cet eodi \'ct fon fil| ^^s'alfurei l*,conjei!'ti .'rez bicntl Coup, ni ; dont noil . "de notre! fur noti chaloupj ;,veille, ,;'JUiie grai t'délibète •qui tonv ','Tnes d'à " ^.français, ;noui le „ i *' mes n ",i;,,*' Du U li<;*' tre m II" rcfpet ^M' faveu S," condu *♦ bien a • • cute ' " que v •* arfivt •« fur ce ♦« tendri " que n " confo En m notre vi a v,t rie Té'eftat ainéri:a vilifés. ordres, filé je \ conftaii gué no récit, j quoi le; dans U fufé dt me di *• mal •* pu I «« ccu «' fon •( lafi 25 t et Léger la moiifai fiirdcb vaieiit pour le je ii'v fiispas 5auvat>e cr fa luettes qui font les hubirans du r plus vite fur on fils fur fes L'ounaient de q'ie je pooffii ic reiloiibk'i la M je jctt li mes d.i<,;eÂ, et avec iiivis leur pif. je niVrats fait rês confilén. la courie ton. Ijiis la neige, ; je ne poiu pliifieurs fois ! et de me le- ; j'étais dans lis la voix de nous eau fa à ; je lui dis ce on côté m'.ip, e fiiifrtie n'a. ait rtfté éten- idroitaflez c- i^is trouvions ';iurais volé â la dernière uyard ; Mr. mibien nous us de mar. (^^ vers! en. Il fui. Mais pour pren. ait balfe or rrétés qjel. iîs pourtant et après un e.rouvamej tté les ra. doute que rettecircon- avait pas nous fû. :ndiir,cs un anies pas à q^ie celui : que nous raquettes A]K)\it fuir avec nne nouvelle viteffe dès qu'il ^iious faurait fi )irès de lui, nous continti- '^Janiesdonc à marcher, et peu de tcras après jlc premier coup de fufil; nous entcfidimes Jiui fécond, celui-ci nous fit foupçonner que ^le fauvafje avait envie d'allumt'r du feu d^ni w.et endroit et de fe repjfcr avec fa femme ■Vt l'on fils ; mais qu'il voulait auparavant ^'aflur^r que perfonne ne tut à fu fuite c tte . conjeftiiic (tait fauffe couinie vou^ le ver- rez bientôt. Dix minutes après le fécond Coup, nous en entendîmes nn troifiènie ; dont non i vimcs l'amorce, point de léponfc • "de notre part, nous avançâmes en filence fur notre clicmin, nous trouvâmes une chaloupe à Inquclle oa avait travaillé la Veille, et vingt pas plu* loin nous vimes une i^rande cabane, nous y rentrâmes fans ' ilé!ibè:er, le ion de fuppli ms était le feul qui convint à notre filuation, nous le pri- .mes d'aboi d, mais l'ancien, qui parlait "^ .français, ne voulu jamais permettre que nous le continualTions, " 'l'ous les hom- " mes ne foin ils pas égaux ? " noui dit-il. " Du moins ne doivcnt-iU pas l'êirc ? vo- *; *' tre malheur cil ui titre qai vous rend '. '* rcfpetlabies, et je regarde comaii une '* faveur du ciel de m'avoir fvjuini en vous •* conduifani ici, une occafion de faire du '* bien a des gens que l'iiitortune perl."- *» cute encore, j'exige feulement de vous *' que vous m'appreniez ce qui vous c(t *• arrivé depuis que vous avez été jettes •' fur cette illc. Je ferais bienaife de ni'at- •' tendrir avec vous fur vos peines, penfez " que ma f^nfibiliie (Vra pour vous une " coiifolaiion ae plus." En même lemsil ordonna qu'on fit cujre notre viande avec des poi> et qu'on n'cpar- g'.^t riiîn pour nous prouver que l'hutuani- técft auHi l)ien une vertu cKcZ les fanvages améri:ains que chcs; les peu|)les ks plus ci- vilifés. Lorlque CCI ancien eut donné le» ordres, il nous pria de fatislaire fa cuiio- fitéje tâ:hai de n'oublier aucune des cir- conftmces que vous lavez avoir accompa- gné notre malheur; et après avoir fini mon récit, je priai ce vieillard de me dire pour- quoi les deux fauvages que nous avions vu dans le fort de notre infortune, avaient re- fufé de nous fecourir. ♦* Les fauvages," me dit-il, '• tremblent au leul nom de " maladie, et tous mes raifunnemens n'ont •* pu encore diiliper cette terreur dont tous *' ceux que vous voyez dans cette cabane, «' font remplis. Ce n'eft pas qu'ils foicnt h infcnûbles auxmîiux de leurs ficrcs ; Us (t a (t •' voudraient po ivoir les foulager : mai» " la crainte de rcfpirer un air contagieux s'oppofe au mouvement de leurs cœurs naturellement portés à la conjpalïïon. Ils craignent la mort, non pas comme le commun des hommes, mais à un tel *' point que, pour l'éviter, je ne fai» s'ili " ne fe rendraient pas coupables des plus " gtands crises. Voilà, ''dit-il en m'ei» •• montrant un qui était dcrt iere les autres,'* '• celui qui vous a manqué de parole. Il " vint ici vers le commencement du mois, " et nous raconta d.ins quelle triflc fituation il avait vu des Fiançiis qu'il croyait morts alors, et auxquels il aurait donne volontiers du lecours, fi la corruptioa n'avait été parmi eux. Voilà l'autre, *• continua l'ancien, en me montrant celui " apiès lequel j'avais couru^" Il ett arrivé ici ime heure avant vous, pour nous avertir qu'il y avait trois frarjçais vivuns; qu'ils n'étaient plus dais le voifînage de leurs morts, qu'ils fe portaient bien, et qu'il croyait qu'on pouvait les iVcourir fans craindre qii'ils apportaircnt avec eux le mauvais air, nous avons délibéré un ioftani: enfuiie nous avons t'.voyé un fauvage ver» l'endroit oi!i vous étiez, pour vous indiquer par trois coup de fufil le lieu de notre de> même. Au refte,vos maladegnousont feul$ empêché de vous aller fecourir; et peut- être y ferions-nous allés, fi l'on ne nous a* vait aduré que le fecours que nous pour> rions vous envoyer ne vous fervirait de rien, et pourrait nous apporter un grand dommage, puifque votre cabane était envi- ronnée et remplie d'un air infefté qu'il fe* rait très dangereux de rcfpirer. Un pareil difcours dans la bouche d'un homme qu'ua iiox préjugé nous tait cioire incapables de peafer et dé rayonner, et auxquels nous oions injufteincnt le fentiment ci l*imprcf- fion, me furprit beaucoup, je vous avoue niêiTie, que pour av.ir des lauvages l'idée que je vous en donne, il ne m'a pas falla moins que les entendre. Lorfquc ce vieillard eut fini, je tachai de lui exprimer toute la reconnoillance dont nous étions pénéttés ; je le priai d'accepter mon fufil que fa bonté et les ornemensdontil était couvert rendait pré- férable à tous cenx()ui étaient dans la ca« banne: je lui dis enfuiie que la fatigue avait em[)êché un de nos camarades de nous fuivie, et que ce ferait mettre le com> ble à fes bienfaits s'il {voulait envoyer ait* devant de lui deux hoiouies pour l'aider • 26 m^ n fe rendre auprès de nous, Mes inftances furent inutiles ; les Sauvages craignent de fortir la nuit, et perlonne ne voulut eu trepiendre d'aller fecourir Mr. Furft. Ou xne promit pourtant que le lendemain ou irait de grand maùn ; ce refus me fit bien de la peine : l'ancien s'en apperçut, et me dit pour me confoler, qu'il ferait aflee inutile de Vouloir chercher mon ami dans l'obfcurité ; qu'il n'avait point de fufil pour faire enieiidre où il était, et qu'il vallait mieux attendre que le jour fui ve- nu. Mr. Furfl pafTa dont la nuit fur la neige ou Dieu feul piu le garantir de la mort, car dans la cabanoe même nous endurâmes un froid inexprimable : ja- mais les Sauvages ne funt de feu qurnd ils fe couchent j ils n'ont pas même de cou- vertures, et parconféquent nous padâmes une très mauvaife nuit. Le lendemain, comme nous noui dif- pofions à aller audevant de Mr. Furft, nous le vîmes arriver ; nos traces l'avaient guidé, et pour nous joindre il avait pro- fité du tems au quel la neige durcie par le froid de la nuit, ne ccile pas au poids de ceux qui marchent deilus ; notre premier foin fut de le réchauffer, nuu» lui don- nâmeicnfuite quelque nourriture, ~et nous nous témoignâmes réciproquement le plai- iirque nous avions de nous voir réunis. Nous paflames avec les fauvages le viiig? neuf et le trente Avril ; ils fem- blaient être jaloux de ceux qui nuus mar- quaient le plus d'attention, et ils tachaient de (i.' furpalter les uns les autres à cet égard. La viande d'Ours et de Caribou ne nous manqua point pendant ces deux jcuis, et l'o!) avau iuin de nuus donner les endroits les pins délicats. Je ne fais fi les devoir de l'hofpitalité font mieux remplis par les Européens que par le^> fauvages ; du moms fuis-je tenté de croire que ccuXici les rem- plifl'ent de meilleuie grâce. Le premier de Mai ils mirent la chaloupe à l'eau, nous embarquâmes ous cinbralfer fut extrc- me de paît et d'autre. Je lui dis d'ebord à q'.ioi je m'étais engagé envers les Sauva- ges, il remplit ma promeffe, et ciiacui> do no:: délibérateuis eut de l'eau de.vie et du Tabac, ils u'ariivèrçnt f5 que lur les dix heures du matin ; jnfqu'à ce tems je fis à Mr. Volant le récit de tout ce qui m'était arrivé, et j'infiftai exprès fur le Tort des vingt-quatre hommes qui étaient ai» Naufrage : mon ami en fut d'autent plu» touché qu'ils étaient encore dansJa peine. Auditôt il arma une chaluupe pour aller les fecourir, et pour tacher de découvrir iiu même fi quelqu'un des treize hommes du canot vivait encore. Lorfqu'il fut parvenu aux enviroixs du naufrage, i] Ht tirer quelques coups de fufil pour fe faire entendre à ceux que nous y avions laiffés , en même tems il vit quatre hommes qui fe jettèieiit à genoux , et qui les mains join. tes le fupplièrcni de leur fauver la vi-e. Leuis vilages déclumés, pour auifi dire, le Ion de leur voix qui annpnçait qu'ils étaient lur le bord du tombeau, et leurs plaintes percèrent le cœur de Monfieur Volant. U avança auprès d'eux, leur fit prendre quelque nourriture, mais avec mo- dération ue peor de leur otufer la mort en le» raffaffiant tout d'un coup. Malgié cette lage précaution un de ces quatre hommes nonimé Tenguy Bieton df'origine, moiirnb apiès avoir bu un verre d'eaui.dc>vie» - Mor hommj nous le autres faim et| fallait en pari rillet Breft a^ autres naires tout I La et K's rcnt (i pour le Québec 1 En n , la CA avoir é canot apperc fufil, il en cet réj'ond d le, c not luni que mo liu'r un qii'iU él ya u trt mûris Je cr due les ^c.^ loi I lu)mmi devez t des plu furent Apr bralîés valant qvielle ils me avaieu des, e des ul reiir ; noiuri foui 11" fai; b( tir fui leur a qu'au mort avaie fieur ■> 27 d'envoyer du ou s Ceux qui iflîtôt que je iç.iis. Quel, liger ; il liat UPtire, et ce t égard à nià trajet de fix un canot, et ofer à périr, es 1 1 heures terre, j'entrai >, le piemier /oiiginaire de ni, et maitre as tomber en jvais'dans un :t le pouvoir ebord, et eu ûle ; dès que prodigua Icj = piaifir que er fut cxtrc- dis d'Bbord s les Sauva- , et chacun eau de.vie et tf que fur u'à ce tems e tout ce qui ;s fur le Tort i étaient au ans la peine. • pour aller découvrir ize hommes orfqu'il fut , âge, i! fit >oiir fe faire ons laiflTés , mrnes qui fe mains join. ver la vi-e. ai 11 fi dire, ?nçait qu'ils , et leurs Monfieur ux, leur fit is avec mo» * la mort en lidgré cette c hommes >^f mou rai •vké t 1 - Mon ami fit enterrer lei vingt et un hommes qui étaient morts depuiâ que nous les avions quittés, et ramena les trois autres qui avaient rëfiflé aux fatigues, à la faim et à la> ri^Meu^ de la faifon : il s'en fallait pourtant beaucoup qu'il» fudent en parfjiic fanté ; l'un deux nommé Tou- rillet contre-raaiire du département de Breft avait le cerveau troublé, et les deux auties nommés Baudet, et Bonati origi- naires de l'Ifle de Rhé étaient enflés par tout le corps. La bonne nourriture qu'on leur donna, et K's fuins qu'ont prit d'eux les rétabli- rent (i non paifaitement, du moins alTcz pour les mettre en état de ptrtir poar Queùec, En revenant, Mr. Volant apperçutvers la Côic deux hoitimcs qui paraifTaient avoir été noyés, et quelques débris d'im canot : il avança pour s'iiffurer de ce qu'il appercevait ; et par quelques coups de fulil, il voulut voir s'il y avait quelqu'un en tel niidioit ; perfonne uep^n'ut, on ne répondit point, et tout ce que je puis vous d;ie, c'cli que les treize hommes du ca- not lunt moi ts de faim et de froid; puif. que mon ami vit à quelque diOance de la iiu'r une efpèce do cabaiia^je qui piouv.it qu'il» étaient dclcendusà teirc, et que n'a- ya u trouvé aiicun fccours, ils y étaient niofis niilcrabtement. je crois qu'il cft affez inutile de vous dire les muuvcmens dont nous fumes agi. té^luifque nous vîmes arriver les tiuis hommes échappés au naufrage ; vous devez b'cu ucnfer que cette entrevue fut des plus loirt'TUintcs. et que les lariîiesn'y furent point épargnées. Après nous être bien tendrement em- bralîés, je leur demandii commeni ilsa- vaif;iu pu vivre jufqu'à ptéfent, et de quelle maaière les auties étai/nt morts ; ils uic dirent que le froid et l.i faim leur avaient enlevé une partie «'e leurs camara- des, er que l'autre avait été longée par dcà ukèies dont la vue feul faifait l^jr- reiir ; que pour eux manquant de lo;itc nourriture, ils avaient mangé jufqu'au fouilliersde leurs morts, après les avoir fai; bouillit dans de la neige fondue, et rô- tir fur des braziers ; que cette reiTource leur ayant manquèe ils avaient pris juf- qu'aux culottes de peau de ceux que la mort leur avait enlevés; et qu'ils n'en avaient plus qu'une ou deux lorfque Mon • ileur Volant leur avait apporté du fecours. Vous voyez bien que i*étiit de ces pau- vres gens n'avait pas été moins déplora* ble que le nôtre, et peut-être avaient ils foulfort beaucoup plus que nous, ne tiit- ce que par l'obligation où ils s'étaient trouvés de manger jufqu'aux dépouilles de ceux de leurs camarades qu'ils avaient perdus. Nous reflâmes près de fix fe« maines à Mingan ; nous employâmes tout ce tems à rendre grâce à I3teu de nous avoir confervés eu milieu de tant de dan- gers, et nous ne pafTàmes pas un jour fans implorer fa miféricorde pour les amei de quarante huit hommes qui avaient péri ÔJpuis notre Naufrage. Le Sr. Loger nous quitta, et partit pour Laborador dans le delTein de palTcr en France fur un navi:e de St. MalOt et le huit Juin nous |)iofitâmes d'un petit bâ- timent pour retourner à Québec, Le Vent nous fut fi favorable que le trei2e au foir nous d'ibarquâu'es ; tout le monde fut é- tonné de nous revoir, on nous croyait en France, et chacun s'emprelTa de nous de- m;uider le fujet de notre retour, et ce ^ui nous était arrivé depuis notre départ : nous fatisfimes au défir de ceux que leur attachement pour nous faifait prendre part à tout ce qui nous regardait. Le lende- main, on mit â l'Hôpital les trois matelots que Monfieur Volant avait été chercher au lieu de notre naufrage ; Moniteur FurH et moi fîmes chacun de notre côté Ce qu'il fdlait pour nous rétablir entière- ment. Dès qu'on vit que je me portais tm peu mieux on me donna la petite Cure de Soulange que je défervit pendant un an ; alors je reçus une féconde obédience pour repalFer en France ; je m'embarquai pour cet ett'et en qualité d' Aumônier fur le vaif- ieau de Roi le Rubii commandé par Mon- fieur de la Joncaire Capitaine de Haut* Bord. Nous partîmes de Québec le vingt et un d'Otlobre 1738 et le deux Décembre, nous entrâmes au Port Lmis eii Bretagne poir taire des vivres qui commi^nçaient à noub manquer ; nous y refiâmes environ vingr jours, et nous en fortîmes le vingt deux du mois avec le vailFeau le Jlfon commandé par Monfieur le Marquis de Chuvagnac qui venait de Vljlt Royale. Vers minuit, nous mouillâmes pendant près de deux heures (ous Belle Ifle pour attendre le vent, nous fîmes enfuite voile pour Roche ford, et nous arrivâmes le len- demain dans cette ville où mon devoir ■Ml 28 m*arréta jufqu'â l'«ntirr d^b:irqnen)rnt. Je partis quelques jcurs après pour Pa xU d'où l'on m'envoya ï Douay en Flan- d'e»; j'y dtroeiuai juiqu'au r.omnienre- ment de 1740 que l'on me noniinj Vica'ne df noire Cou vtRt dVAvefnes en Hiiynaut. J'y arrivai le vingt cinq Janvier, le même jour que j'en étais parti il y avait f<*ize ■ ans ; mes Supérieurs en nj'enwoyaiit «lanj cette Maifon avaient compté qu'une rc- fid- nce de quelques années dans mon pays nat'il, achèverait de me rétablir des t'ali- gues que j'iivaib elTiiyi'ti&'dans met voyage^; j'avais conçu la nt^nie eCpérance, in.iis il en arriva tout autrement ; mon eftomac rc pouvait plus* fiippoiter U nonniture de ce pays, j'avais pour ainfi'dir- contracté nn nouveau temperarament, lereiosni'é- tait nuifibie, ei il fallait m'y accoutumer pf^tit-à-veti». i;'« Cela meBt fulliciter auprès de mes Su> férieurs une Obédieiice pour retourner à drn dont l'air me convenait beaucoup mieux qi'c celui de ma Province, ont eut la bonté d'avoir égaidà ma demande, et loifque )': fus parfaitement rétabli on me nomma Aumop.ier dans l'Armée de Fran- ce commandée par MonHeMr le Maréchal de Maillebois, ., . |- i .u .:.,^ - .J'i : , v -v/L.- •!-■ : V • : ■ ./"■■ ■ » f» ... '" ■ 1: C.^., ,•->'■ '• ■'■'' "'■ '■■' ■'■ ' *" '" '' '"' 1 #■*■ • ,..-.- ,, ;-;■■?-.-■-■'•• ,V-,;r, FIN. -h k: ■ v:;i'. ' ■ ' f •■^ i»-' • ' :■' <• ■■'"■'••- ' . ' i : Voilà, Mon cher Fière, la Rela ion de mes voyage.*, et démon N.mfrage ; j'cf- pèie que vous en ferez plus roiitem qu; celle que je vous avas envoyée d'abord. Au rtfte vous deve^ être fur que je n'ai rien avancé qui ne foit conforme à la ; liis exaile vérié. Je voudrais bien que les bruits qui rom-, mcncent â courir etidint quelque fomlc. ment; j'autais dan» pt'u lejalaifir de vous embraircr à Frar.cfort, et de vous prouver que je fuis et ferai toute ma vie avec l'a- miiié la plus fincère. Mon très cher frère _ , ■ Votre très afFeétiorné frère Emmanuel Crespgl RCtoUet. De Paderbornle 18 Juin 1743. ' . Le R. P. KmmanucI Crcfpcl Racol . let, après fon voyage en France dont il paile fur la Jiti de fa huitième lettre, revint en Camtda et mourut à Québec le e8 Avril 1775, après y avoir été i'efpace de quinze ans fupérieur CommifTaire de tous les Religieux de Ton cm die dans cette P.ovince. Le legret que c«ufa fa mon à tous les gens dé bien Ht voir quel'e tilinie lui avait attiré fon mérite, et l'idée qu'on avait généralement de fa vertu. ■^I^ :^' 'I 1 . •r;j |j *:'■ i, r ,■'.:■■-'■. -,'■ ./ ;j''i>vi ■/,. i '^ . . '. ... »• ■ •5ti_jç";- u ft'' ■ ' .' • . ' -V '■ ■•'■ -■ ^ l'.iç'rr'iiijt 'n")j i.'p -• • -^i ■' M; J.w • ■ *iV,n:Vn> f r «w-t " . ;■ v - ^ ■• V/'\'t :■' '■-'/! - '' vi ■'!?'' '■'■■•'■' ' • ' • • ■ i;j^«t a« i,'is.-u V .Cl D:v«"ii ■ ' » i'' r- , . •'vVViA yyi ■■> tiJ.«V7 > ■:_ ' V -:•-*> L îf;fî' r.' V ':■"''«{• i; f hini> ,. 'i » ùiv ' .. î 'il . I. r . ■' !!l ri ' ^.'- ^ ■■'.' . j nh -"■'■ ^ , !_' .,-4 r >:' ■^■s." 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